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108 — II C'est surtout Albert Richard et un tailleur, « demeurant aux Brotteaux », qui sont les directeurs de ce nouveau comité. A leurs côtés, on remarque surtout Blanc père, tisseur, Conchon, épicier, Chapitet, Chanoz, Durand, Meyer, qui faisaient tous les six partie de l'ancienne fraction. Ils ne semblent être là que comme des figurants qu'Al- bert Richard n'a pas voulu écarter trop brutalement. Nous avons, pour nous renseigner sur ces personnages, des rapports de police faits sur chacun d'eux. Certes les policiers ne nous ont pas donné des militants un portrait flatteur. On sent bien que les traits ont été grossis et noircis pour les besoins de la cause que, contre l'Internationale, plaidaient les pouvoirs établis i. Mais, si on rapproche ces rapports des renseignements puisés à d'autres sources, et même si on les rapproche également des souvenirs de James Guillaume 2, on se rend compte que, en ce qui concerne plus spécialement Albert Richard 3, Palix, Meyer et Chapitet, il peut être fait état de notes policières auxquelles nous faisons allusion et auxquelles nous avons fait quelques emprunts au cours de cette étude. Ce que nous savons, pour situer Albert Richard, au moment où il débutait dans l'action ouvrière et politique, c'est qu'il avait vingt-trois ans en 1867. Il se déclarait publiciste et il demeurait quai de Serin. A cette époque, il avait déjà écrit un petit opuscule portant ce titre tout simple le Socialisme. Venu avec son père, très jeune, il aurait été mis à l'école des Frères des Ecoles chrétiennes, rue Pouteau, puis à l'école 1. On ne saurait évidemment attacher une importance trop grande aux récits faits par les policiers de l'Empire, mais il est intéressant de citer leurs constatations de l'état d'esprit qui régnait à Lyon avant la guerre de 1870 et des moyens employés pour obtenir des renseignements : « La pensée qui a fait attacher à mon bureau la brigade des mœurs et la surveillance des maisons de tolérance et des femmes publiques a été celle-ci. En général, les meneurs politiques en chef et secondaires sont des gens de moralité fort contestable qui fréquentent les maisons et les femmes publiques et qui, dans l'ivresse des plaisirs et du vin, laissent ordinairement échapper des paroles qui trahissent leurs projets. « Les maîtres de maisons de tolérance ou par eux-mêmes, ou par les femmes qu'ils ont chez eux, sont généralement bien informés, et comme ces hommes ont constamment besoin de la protection et de l'indul- gence de la police, ils ont grand intérêt à se les assurer en l'informant de tout ce qu'ils ont appris » (Note du commissaire spécial, 1869). 3. James Guillaume, l'Internationale. 3. Il était né à Tours, le 8 décembre 1846. Sur Albert Richard, ses plus proches amis ont émis des avis très contradictoires, mais ils ne semblent pas avoir pour lui une grande estime.Pourtant, bien que très méfiant au sujet de ce militant, James Guillaume reconnaît que les accusations dont Albert Richard fut l'objet avaient été déclarées calomnieuses par deux jurys d'honneur, en 1867 et en 1869, et le conseil général de Londres, dans sa séance du 8 mars 1870, allait prononcer à son tour que « ayant pris connaissance des pièces accusatrices envoyées par la section de Lyon, il les déclarait dénuées de fondement et en conséquence maintenait le citoyen Albert Richard dans ses fonc- tions de secrétaire correspondant de l'association internationale des travailleurs ». Bakounine devait le désigner ainsi, plus tard, dans une lettre « Robert-Macaire Richard ». Le célèbre socialiste russe avait, jadis, parlé aussi de « sa manière de poser » et de « son charlatanisme ». Albert Richard lui était fort antipathique et pourtant il a eu de nombreux rapports, soit lors de sa présence à Lyon en 1870, soit avant, surtout, avec Albert Richard (v. l'article de Richard dans la Revue de Paris (1896), article cité au cours de cette étude).