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— 105 — Les Travailleurs Lyonnais et « l'Internationale » 1862-1870 « Les idées d'association si dédaignées par les ouvriers il y a quelques mois se sont propagées avec une intensité telle qu'il devient possible d'absorber par ce moyen toute l'activité révolutionnaire des esprits. Presque toutes les corporations élaborent des projets d'association. « Malheureusement, conduites encore par des chefs qui possèdent un reste d'influence, elles conservent une allure d'antagonisme et de réaction vindicative contre les patrons ». C'est en ces termes que F. Coignet, fabricant de produits chimiques à Lyon, écrivait au ministre de l'agriculture, en septembre 1848 ; Coignet ajoutait qu'il luttait contre ces tendances, et il espérait qu'avant longtemps « les saines idées de fraternité entre toutes les classes seront complètement prépondérantes » J . La fraternité était chez ceux qui se réclamaient de la Révolution française, le grand but, le grand rêve. On avait étendu le désir de la réaliser au-delà des frontières et, après la rude épreuve du coup d'Etat et de la législation tracassière de Napoléon III à l'égard des sociétés et des associations qui portaient, de 1848 à 1850, ce nom symbo- lique de « fraternelles », l'entente entre les « travailleurs de tous les pays » prenait plus solidement corps. Mais il n'était pas très facile de maintenir, dans chaque nation, les esprits dans des dispositions semblables. Chacune des associations ouvrières de l'étranger voyait son propre point de vue, l'intérêt personnel, matériel et national de sa cause. Cependant, en moins de dix ans, les idées d'associations internationales avaient pris une extension telle que celle dont nous allons nous occuper dans cette étude était vraiment au point lorsque ses fondateurs lui donnèrent le jour. La création de VAssociation internationale des Travailleurs remonte à 1862, épo- que de l'Exposition universelle de Londres. Le projet en â été conçu par les déléga- tions ouvrières des diverses nations et plus particulièrement par la délégation fran- çaise. Ce fut dans une grande réunion où les délégués des divers pays convoqués par la délégation anglaise convinrent qu'il fallait à l'avenir établir entre eux des rapports de bonne confraternité et « organiser un lien de solidarité et de résistance contre les capitalistes qui reléguaient les travailleurs dans une situation fatalement secondaire » et de laquelle ils ne pourraient sortir qu'en « groupant leurs forces jusqu'à ce jour isolées pour constituer la puissance collective non seulement d'une corporation d'une ville, d'une puissance, mais d'une vaste fédération de tous les travailleurs du globe, au moyen de laquelle la lutte contre l'ennemi commun, le monopole, pourrait devenir réellement effective ». 1. V. l'étude de O. Festy, sur deux associations ouvrières lyonnaises « encouragées » par application du décret du 5 juillet 1843 (Rev. d'Hist. de Lyon, 1913, p. 341).