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Le 14 novembre 1862, un agent du nom de Martinet donnait sur lui les renseignements
suivants :
      Adrien Peladan, demeurant rue Sainte-Hélène, 23 (aujourd'hui n° 11) avec sa femme
et ses deux enfants (17 et 14 ans), est « un homme tranquille qui fréquante très peu de
monde. Ont le dit très instruit ; l'on dit que sa femme (née Joséphine Vaquier) appar-
tient à une bonne famille du Midi ». Il n'a d'autre ressource que son journal, dit le poli-
cier, paye un loyer de 800 francs et possède « un mobilier très confortable ». Etabli
d'abord rue de Puzy (Auguste-Comte), n° 9, plus tard 29, puis rue d'Auvergne, 13, à
partir de juin 1859, il habite, depuis le 24 juin (1862), le n° 23 de la rue Sainte-Hé-
lène. En somme, les renseignements recueillis sont tout en sa faveur. « L'on ne voit pour
insidire venir chez lui que des prêtres et la plupart étrangers à la localité. Il est très lié
avec son propriétaire, M. Cotin, qui est un homme d'église et un légitimiste pur sang.
Il fréquante encore quelques personnes de la même catégorie, ce qui fait croire qu'il
partage leurs opinions. Il vat à la messe tous les dimanches ». Il a rédigé l'Etoile du
Midi, de 1849 à 1852, et « soutenu le pouvoir temporel du pape » a6 . L'agent qui signait
ce rapport n'avait évidemment pas lu les lettres d'Adrien Peladan.
      C'est rue Sainte-Hélène, 11 (ex-23) qu'était né, le 28 mars 1858, le second fils du
chevalier Peladan : Joséphin-Aimé, dit Joséphin 27, mort à Neuilly le 27 juin 1918). Les
Peladan habitaient le quatrième étage au-dessus de l'entresol ; à l'étage au-dessous, cinq
jeunes filles — cinq sœurs — Mlles Blanchoud, créèrent, vers 1864, un externat qu'elles
dirigèrent, dans le même local, jusqu'en 1921, pendant 57 ans. Les deux soeurs survi-
vantes se souviennent de Joséphin Peladan qui fut leur élève, d'Adrien Peladan père,
qui sortait peu, de M m e Peladan, dont l'accent méridional égayait ses voisins. Le direc-
teur de la France littéraire descendait chaque jour chez la concierge — pour y prendre
son courrier — vêtu d'une ample robe de chambre à carreaux rouges et noirs. Cet accou-
trement et, sans doute, sa confiance dans les prophéties, lui avaient valu dans la maison
le surnom de « Nostradamus ».
      Joséphin Peladan, fit donc ses premières études à l'externat de Mlles Blanchoud a 8 ;


      26. Archives municipales de Lyon. I ! Police. Périodiques.
     27. Etat-civil de Lyon, 2e arrondissement.
     28. Le jeune Peladan s'y montrait un ardent prosélyte. Quand « son pensionnat venait sous les hauts
platanes (de la place Çarnot) jouer au cheval fondu ou bien, en dignes lyonnais, trafiquer déjà leurs billes,
leurs timbres, les soldats découpés dTÏpinal », lui « prêchait la chasteté » à ses camarades. Un jour, » illuminé »,
il baptisa de force un de ses petits condisciples qui était juif. Celui-ci, « frappé du sérieux de son compagnon »,
soufflait doucement : « Je veux bien être chrétien, mais il ne faut pas que tu le dises, on rae gronderait ».
Joséphin emmenait parfois chez ses parents quelques-uns de ses jeunes amis ; une des pièces sur la cour de
l'appartement des Peladan donnait sur une terrasse où était la chambre d'Adrien,le frère aîné, alors étudiant
en médecine, la petite bande allait contempler par la fenêtre la table du grand frère où l'on apercevait un
crâne et les pièces éparses d'un squelette.
     L'ancien élève de Mlles Blanchoud a rappelé quelques-uns de ces souvenirs dans Istar, le cinquième
roman de son Ethopée « La Décadence latine » (1.79). Joséphin Peladan séjourna à Lyon pendant l'hiver de
1886 « en vue, (disait-il) de possibilités matrimoniales » et les lyonnais se divertirent de le voir parcourir la
ville affublé d'un large baudrier de soie violette auquel pendait... son parapluie. Mal leur en prit; en 1888
Peladan publiait Istar où il se mettait en scène sous le nom de Nergal et faisait défiler les silhouettes assez