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                JOURNAL DES NOUVELLES DE PARIS                    271

   Vous avez su sans doute la mort de la jeune Madame
de l'Aigle ; elle était veuve de M. le Féron (1), conseiller
d'Etat et aimait le comte de l'Aigle, du vivant de M. son
mari qui eut la bonté de se laisser mourir l'année dernière,
pour laisser à sa femme la liberté, trois mois après,
d'épouser le comte. Voici ison épitaphe:

     Cy-git du dieu d'Amour une triste victime,
     Jeune, tendre, elle aima, ce fut là tout son crime ;
     Par sa raison, son cœur fut longtemps combattu,
     Mais l'Amour l'arracha des bras de la Vertu;
     Elle ne connut plus de dieu que sa faiblesse.
     La mort est aujourd'hui le prix de sa tendresse.
     Vous, témoins de son sort, jeunes cœurs vertueux,
     Fuyez d'un dieu charmant les traits trop dangereux.


                                              23 Décembre 1738. -

   Il est temps de renouveler un plaisir en renouvelant
un commerce qu'une longue absence avait interrompu.
Commençons par les spectacles. L'Opéra est toujours à
peu près dans le même état que je l'avais laissé, et il ne
paraît pas avoir fait aucune acquisition de remarque. J'ai
seulement trouvé un grand changement en bien dans la
voix de Geliot, ses cadences sont adoucies ; il ne chante
plus ni du nez, ni de la gorge. La sœur de la fille aînée de
Mariette a fait aussi des progrès étonnants ; elle réunit le
feu de Mariette, la grâce de la Salé et la légèreté de Ca-
margo ; elle est faite à dessiner et son visage se débar-
bouille tous les jours. On assure même que le prince de


   (1) Marie-Anne Petit de Villeneuve, veuve le 31 octobre 1734 du maî-
tre des requêtes Maximilien le Féi'on, remariée en 1735 à Gabriel des
Acres, marquis de l'Aigle, maréchal de camp, morte six semaines
après.