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420 LE THEATRE A LYON Autre temps, autre mœurs! Ce qui n'était que naïf aiors ferait scandale aujourd'hui que l'opinion publique se montre plus que sévère pour tous ceux qui portent l'ha- bit religieux. Mais revenons au théâtre. Au mois de février 1761, « les comédiens ordinaires de Mgr le duc de Vilieroy » donnèrent la première représentation du Père de Famille, de Diderot, qui eut an grand succès de sensibilité et que le chroniqueur des Affiches de Lyon appelle un chef-d'œuvre (1). CD Cette feuille,,devenue hebdomadaire, nous fournit des docu- ments pleins d'intérêt sur les années qui vont suivre. Voici, par exemple, à la date du 6 mai 1761, une page fort curieuse au dou- ble point de'vue de la mise en scène et de la critique dramatique à cette époque : « Le théâtre de Lyon va voir renaître les jours brillants du célè- bre Noeerre. Les ballets vont reprendre leur éclat sous la direc- tion du sieur ffus, déjà connu et applaudi dans la capitale. Ce maître de ballet a débuté par la Mort d'Orphée ouïes Fêtes de Bacehus, Ballet héroïque reçu avec tant d'accueil à Paris. — On. aperçoit, aux deux côtés du fond du théâtre, des montagnes sépa- rées par un vallon délicieux orné de quelques arbres qui laissent voir i'Ebre dans l'enfoncement. Orphée, assis nonchalamment sur un Ut de gazon enchante, par les sons de sa lyre, tout ce qui est autour de lui. Les animaux les plus féroces sont adoucis par l'har- monie de son jeu. Les arbres et les rochers semblent s'approcher pour l'entendre de plus près ; lorsqu'il cesse de tirer des sons de sa lyre, les rossignols s'efforcent en vain de les imiter, et ils tom- bent morts de jalousie et de douleur de ne pouvoir y réussir. Or- phée finit par un morceau lugubre qui exprime les regrets de la perte de sa chère Euridice. Les animaux attendris inclinent leurs têtes, les montagnes et les rochers se fendent ; les arbres laissent tomber les pleurs que l'Aurore avait, au matin, répandus sur leurs feuilles ; toute la nature s'intéresse au sort d'Orphée. — Les seules Bacchantes sont insensibles à ses sons, elles le soupçonnent de mépris pour elles; elles ont juré sa perte ; elles descendent en fureur du haut des montagnes, tenant un thyrse d'une main et un tambour de l'autre. Elles se jettent sur lui pour le frapper ; mais Orphée enchaîne leur rage par la mélodie de ses sons. Les