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HISTOIRE D'UNE PENDULE 463
— Pardon, pardon, dit-elle, pardon pour Pierre. Puis d'un
ton de profonde terreur et de pitié, elle se redressa
en criant : —-Oh ! pauvre Pierre ! comme es-tu fait !
Pub elle expira.
Je me retournai, croyant que Pierre venait d'entrer,
mais point. Je vis seulement la voisine qui m'avait
promis de revenir : elle paraissait honteuse de m'avoir
laissée seule pendant un si long temps. Elle avait en-
tendu comme moi les dernières paroles de Jeanne, mais
sans y attacher d'importance. Je baisai Jeanne et lui fer-
marles yeux, puis nous l'ensevelîmes
Au point du jour, je rentrai chez moi, brisée d'émotion
et me proposant de m'accorder quelques instants de
repos : mais à peine avais-je mis un peu d'ordre dans
la maison que, des pas pesants et réguliers se firent en-
tendre, une sourde rumeur les accompagnait.
— Qu'est-ce encore ? me dis-je, et je m'avançai sur
le seuil de ma porte entr'ouverte.
Je vis alors deux hommes qui portaient, sur une civiè-
re faite de branchages, un jeune garçon recouvert de
haillons sanglants. C'était Pierre, Pierre, qu'à son der-
nier moment, l'amour de sa mère avait entrevu dans ce
triste état, Pierre, blessé à mort par les francs-tireurs,
qui l'avaient pris sans doute, et peut-être hélas ! non Ã
tort, pour un espion. Il avait reçu ce beau coup, la veille
au soir, à son retour de la commune de V*** où il était
allé boire le reste de l'argent de sa trahison et avait passé
toute la nuit dehors au froid. Des hommes du village l'a-
vaient trouvé gisant sur la lisière d'un petit bois, à peu
de distance.
Ainsi que vous le voyez, la punition, et plus terrible
qu'il ne l'avait méritée, ne s'était pas fait attendre.
Mme Marther se tut.