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•» LE VIN 205 pha de ses ennemis et de tous les dangers, auxquels les persécutions de Junon l'exposaient continuellement. On lui sacrifiait des ânes et des boucs, parce que les mor- sures de ses animaux faisaient périr la vigne. Bacchus n'était pas seulement l'inventeur du vin, et, d'après Pline (vu, 57), il fut l'instituteur du commerce : emere ac vendere instituit Liber pater (1). « Ce fut lui qui établit l'usage de vendre et d'acheter. » Ce fait prouverait qu'il fut le propagateur du commerce et de l'ivrognerie ; mais je crois qu'aujourd'hui il existe une \ grande différence entre les négociants et les ivrognes ; car la prudence et la raison sont les principales qualités des premiers ; tandis que les seconds perdent la tête, et font souvent faillite, c'est-à -dire chute matérielle. Je vais maintenant passer de la mythologie à l'his- toire, et démontrer l'ancienneté et la prodigalité de la consommation du vin. Rien n'est plus en usage dans le monde que cette boisson qui représente l'égalité, et qui contribue singulièrement à la démoralisation sociale, quoique de nos jours le progrès ait appris à y mélanger la fuchsine. Cette substance, si elle ne rend pas le vin plus mauvais au goût, a pourtant la triste faculté d'en faire un ennemi de la santé. Des mesures, dictées par l'autorité, ont bien prohibé ce mélange ; mais il est à craindre qu'elles ne soient pas appliquées par les ven- deurs de vin, qui réclameront la liberté de la vente. Pline, dans son xrvs chapitre, s'occupe spécialement du vin, et prétend que sur quatre-vingts espèces célèbres, récoltées dans l'univers, in toto orbe, la majorité appar- (1) Bacohus est nommé Liber parce qu'il rendit la liberté à la Béo- tie, où il était né ; ou bien parce que le vin délivre l'âme des cha- grins et donne la facilité de la parole.