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46 LA BATAILLE DE NÉZIB — Que veux-tu dire ? — Ecoute. Dans l'armée d'Ibrahim, ce que j'ai vu, ce sont des armes en faisceau, et près de ces fusils des fantassins ; des canons et près de ces canons, des artilleurs ; des chevaux attachés à leurs piquets, et près de ces piquets des cavaliers. Chacun est à son poste et il n'y a là que des soldats et des armes. Dans ton camp, je n'ai pas vu le même ordre, mais j'ai aperçu des juifs, des marchands, des tolbas, des imans, des ulémas, les uns qui vendent et qui trafiquent, les autres qui prient et qui bénissent ; voilà pourquoi je dis que ton camp res- semble à un camp de pèlerins. Tu me demandes maintenant de quel côté sera la victoire ? Le puis-je savoir ? Allah seul le sait ; Allah seul est le seigneur de la force, le maître de la victoire, le juge des armées. J'ai dit. Aïntab, situé près du Sadjour, qui fertilise sa campa- gne, est une belle et riche cité, dans une des plus heu- reuses contrées. Sur une colline, chaînon détaché du Taurus, elle compte plus de vingt mille habitants. Elle est industrieuse, fabrique des étoffes de laine, des cotona- des et des cuirs maroquinés. Elle fait un commerce fructueux de son tabac, de son miel et de son grain. Elle est chef-lieu d'un livah ; a une bonne citadelle environnée de fossés et revêtue de bons murs en pierre de taille. Avant la conquête de la Syrie, elle jouissait d'une sorte d'indépendance et n'avait subi qu'à contre-cœur le joug égyptien. Hafiz sentit ses idées s'assombrir. Cependant, il tint sa promesse. Les Hanadès furent envoyés à Constanti- nople comme trophée de la victoire. Un seul manqua. Ferdjan s'était évadé pendant la nuit et on ne put le re- trouver. Il avait heureusement rejoint le camp d'Ibrahim. (A suivre.) AIMÉ VINGTRINIER.