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452              HISTOlIiK D'UNE PENDULE

 depuis, reprit Mme Marther d'une voix plus basse, dans
mes heures de calme et d'insomnie, son tic-tac, un peu
trop bruyant peut-être, ne me reporta-t-il pas dans le
passé ? Je voyais la joie des grands-parents lorsqu'ils
l'achetèrent. Elle avait marqué l'heure delà naissance
des neuf enfants de ma grand'-mère, sonné les rendez-
vous importants, les fiançailles, les mariages, les agonies
de la famille. Maintenant c'était elle encore qui m'annon-
çait le prochain retour de mon Jacques aux heures du
dîner et du souper. Quelle joie toujours nouvelle j'éprou-
vais quand j'entendais son pas dans la cour qui précédait
la petite entrée de ma boutique ! Ce tic-tac accompagnait
tous les mouvements de mon cœur, joyeux quand j'étais
gaie, triste si je pleurais. Ce sont des enfantillages, sans
doute, mais que voulez-vous ? il faut des hochets à tout
âge. J'éprouvais peut-être un peu d'orgueil à montrer ma
pendule et à prouver ainsi à mes voisins que ma famille
occupait jadis dans le monde une position plus aisée et
plus élevée que la mienne, mais j'ai été bien punie de ce
 mouvement d'orgueil, ainsi que vous ne le verrez que
trop.
   Il va sans dire que tout le village s'occupa de moi et de
ma pendule : les uns me l'envièrent, les autres la criti-
quèrent comme n'étant qu'une vieillerie, d'autres me féli-
citèrent sincèrement. Quand Pierre Lirchu la vit pour la
première f o i s . . . .
   — Qu'est-ce que Pierre Lirchu ? s'écrièrent en chœur
tous les assistants.                              .,
   — C'est vrai, vous ne pouvez connaître Pierre Lirchu,
mais ce nom m'est tellement familier que je m'imagine
que personne ne l'ignore ; je me crois encore au village,
excusez-moi.
   Pierre Lirchu était alors un garçon de douze à treize