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Qui fuit l'excès en tout, maîtrise son désir,
Et ne va pas se faire un tourment d'un plaisir.
                         MOLIÈRE.
 Il est donc, je ne sais par quel fatal mystère,
Deux amours différents, jetés sur cette terre
Pour faire pressentir ou l'enfer ou le ciel :
Le sort me donne à moi l'absinthe, à toi le miel.
Mais lu n'as point aimé! Dans ton humeur légère
Tu n'as jamais connu qu'une ardeur passagère,
 I n semblant de l'amour, non ce cruel poison
Qui torture le cœur et trouble la raison ;
Cet amour qui me rend si triste et misérable.
C'est une passion insensée... incurable,
Car, pour m'en affranchir, crois-moi, j'ai bien lutté...
Mais en vain... cet amour dans mon ame est resté.
Dix fois j'ai pardonné ses torts à l'infidèle :
Un mot de repentir me ramène près d'elle,
Heureux encor de croire à ses nouveaux serments,
Et qui nous surprendrait, Chapelle, en ces moments
Dirait, à voir la joie où mon cœur s'abandonne,
Que je suis le coupable et qu'elle me pardonne.
Oui, faible que je suis, je n'ose l'accuser:
Je me cherche des torts pour la mieux excuser,
Et tel est mon amour que, dans le fond de l'ame.
Je la plains, en effet, plus que je ne la blâme ;
Et souvent je me dis que peut-être son cœur
Subit comme le mien quelque charme vainqueur,
Et que si je ne puis, moi, me séparer d'elle,
Elle, non plus, ne peut me demeurer fidèle.
Mais je déguise en vain mon mal sous ces propos :
L'amour à mon esprit ne laisse aucun repos,
J'aime, j'aime toujours !.. et, la voyant si belle,
Jeune, facile à tous, et pour moi seul rebelle,
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