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  salions malveillantes portées contre lui. J'ai pesé attentivement ces repro-
  ches d'égoïsme, de vanité, de jalousie, d'ambition, etc., et je n'ai rien
  trouvé dans sa conduite qui pût les légitimer. Si de pareilles inculpations
 ont trouvé facilement croyance dans le public, c'est que l'on n'a considéré
que leur origine , sans remonter à leur cause.
    Eynard, qui a été marié trois fois (il était veuf en dernières noces de
Mlle Caroline de Cardon ) , n'a jamais rencontré dans son intérieur , dans ses
alli ances, le bonheur qu'it s'était promis : sans héritier direct, ne trouvant
pas dans ses affections de famille de lien puissant pour le retenir, il s'était,
  en quelque sorte, isolé de ses parents, dont il avait dès lors trompé les espé-
rances; car sa franchise ne leur laissa jamais ignorer ses intentions à leur
 égard.
    Parce qu'Eynard n'a pas voulu borner ses bienfaits à quelques membres
indifférents ou éloignés de sa famille , parce qu'il a mieux aimé doter une
classe nombreuse de travailleurs, parmi lesquels il a compté long-temps,
qu'il avait, durant sa vie, soutenue de ses conseils et de sa fortune , était-ce
un motif pour l'accuser d'égoïsme , de sécheresse de cœur?
    Etait-il ambitieux, lui qui n'accepta jamais que des charges gratuites dans la
société , charges qui, par leur nature, devaient le mettre en rapport avec nos
 industriels, nos ouvriers, plutôt qu'avec les hommes du pouvoir? En 1831
  une récompense honorifique lui fut accordée : c'est l'Académie de Lyon qui
 demanda et obtint pour Eynard la croix de la Légion-d'Honneur. Il remercia
le ministre par une lettre charmante , pleine de mots heureux et de fraîcheur,
 qui commençait ainsi : « Il y a plus de 80 ans que je reçus de ma mère un
 hochet pour amuser les premiers instants de mon enfance et me distraire des
chagrins passagers de cet âge ; aujourd'hui, octogénaire , je reçois de vous
une faveur qui doit me faire oublier les peines d'une longue vie, charmer,
adoucir les derniers moments de ma vieillesse.... » Eynard fut très-sensible
à cette marque de distinction, il y attachait un grand prix.
   Etait-ce encore par un sentiment de jalousie qu'il ne craignit pas de s'ex-
poser à des haines puissantes, en défendant l'enseignement scientifique C(
industriel banni du palais Saint-Pierre par les artistes?
  .Etait-ce par esprit de rivalité qu'il s'opposait à la vente de nos chefs-
d'œuvre de mécanique , qu'il proclamait la supériorité du métier-Jacquard,
encore méconnu, qu'il encourageait l'auteur dans ses essais, le louait
des perfectionnements apportes au métier Vaucanson ? ( Ici il y avait erreur de
sa part, et non mauvaise foi. ) Jacquard , homme de génie, sans instruction,
avait inventé sa machine, ignorant encore le nom de Vaucanson ; et si Ey-
nard s'est trompé, c'est que, mécanicien savant, ayant, saisi les rapports.