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il s'abandonnait à eux, il s'inquiétait d'eux ; il ne les jugeait
pas. Les hommes (et je ne parle pas du simple vulgaire) ont
un faible pour ceux qui les savent mener, qui les savent con-
tenir, quand ceux-ci même les blessent ou les exploitent.Le
caractère, estimable ou non, mais doué de conduite et deper-
sistance même intéressée, quand il se joient à un génie incon-
testable, les frappe et a gain de cause en définitive dans leur
appréciation. Je ne dis pas qu'ils aient lout-à-fait t o r t , le
Caractère tel quel, la volonté froide et présente, étant déjà
beaucoup. Mais je cherche à m'expliquer comment la perte
de M. Ampère, à un âge encore peu avancé, n'a pas fait
à l'instant aux yeux du monde, même savant, tout le vide
qu'y laisse en effet son génie.
   El pourtant (et c'est ce qu'il faut rédire encore en finis-
sant) qui fut jamais meilleur, à la fois plus dévoué sans
réserve à la science, et plus sincèrement croyant aux bons
effets de la science pour les hommes ? Combien il était vif
sur la civilisation, sur les écoles, sur les lumières! 11 y
avait certains résultats l'éputés positifs, ceux de Malthus,
par exemple, qui le mettaient en colère ;"il "était tout sen-
timental à cet égard 5 sa philantropie de cœur se révoltait
de ce qui violait, selon lui, la moralité nécessaire, l'effica-
cité bienfaisante de la science. D'autres savants illustres ont
donné avec mesure et prudence ce qu'ils savaient; lui ; il
ne pensait pas qu'on dût en ménager rien. Jamais esprit
de cet ordre ne songea moins à ce qu'il y a de personnel
dans la gloire. Pour ceux qui l'abordaient, c'était un puits
ouvert. A toute heure, il disait tout. Etant un soir avec
ses amis, Camille Jordan et Degérando, il se mit à leur ex-
poser le système du monde; il parla treize heures avec une
lucidité continue ; et comme le monde est infini, et que tout
s'y enchaîne, et qu'il le savait de cercle en cercle en tous