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371 il s'abandonnait à eux, il s'inquiétait d'eux ; il ne les jugeait pas. Les hommes (et je ne parle pas du simple vulgaire) ont un faible pour ceux qui les savent mener, qui les savent con- tenir, quand ceux-ci même les blessent ou les exploitent.Le caractère, estimable ou non, mais doué de conduite et deper- sistance même intéressée, quand il se joient à un génie incon- testable, les frappe et a gain de cause en définitive dans leur appréciation. Je ne dis pas qu'ils aient lout-à -fait t o r t , le Caractère tel quel, la volonté froide et présente, étant déjà beaucoup. Mais je cherche à m'expliquer comment la perte de M. Ampère, à un âge encore peu avancé, n'a pas fait à l'instant aux yeux du monde, même savant, tout le vide qu'y laisse en effet son génie. El pourtant (et c'est ce qu'il faut rédire encore en finis- sant) qui fut jamais meilleur, à la fois plus dévoué sans réserve à la science, et plus sincèrement croyant aux bons effets de la science pour les hommes ? Combien il était vif sur la civilisation, sur les écoles, sur les lumières! 11 y avait certains résultats l'éputés positifs, ceux de Malthus, par exemple, qui le mettaient en colère ;"il "était tout sen- timental à cet égard 5 sa philantropie de cœur se révoltait de ce qui violait, selon lui, la moralité nécessaire, l'effica- cité bienfaisante de la science. D'autres savants illustres ont donné avec mesure et prudence ce qu'ils savaient; lui ; il ne pensait pas qu'on dût en ménager rien. Jamais esprit de cet ordre ne songea moins à ce qu'il y a de personnel dans la gloire. Pour ceux qui l'abordaient, c'était un puits ouvert. A toute heure, il disait tout. Etant un soir avec ses amis, Camille Jordan et Degérando, il se mit à leur ex- poser le système du monde; il parla treize heures avec une lucidité continue ; et comme le monde est infini, et que tout s'y enchaîne, et qu'il le savait de cercle en cercle en tous