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257 il est vray que chacun se resiouissoit, pour se voir hors de danger , pour se voir deliuré de telle inondation : mais Testât auquel toutes choses estoyent, faisoit aucunement souuenir du déluge qui escheut du temps de Noë. Car alors , les eaux abbaissees , la terre estoit toute déserte , sans babilans, sans bestail , hors mis ce qui estoit en l'arche : i'en diray presque autant estre aduenu au païs où ce déluge a exercé sa furie. Premièrement on ne pouuoit iuger que estoyent deuenus vn infinité d'hommes , ïemmes et petits enfans , babilans dudil plat païs, si l'eau les auoit emportez , si les maisons tombées sur eux , accablez : dauantage on ne voyoit que ruine, ou bien petite.rfppârence de maisons, ou peu auparauant il y auait eu beau bourg ou village : place nette, ou nagueres. métairie , ou quelque bel édifice : lieu plein de bourbe , ou beaux prés : lieu desgarni d'arbres , qui en estoit bien fourni : places remplies de toutes immondices, qui peu auparauant seruoyent d'esbat à vn chascun : Hélas ceux qui cou- royent pour tascher à sauuer quelque peu de leur bien , et ne trouuant que lieu vuide , n'eussent-ils fait pitié ? Oï escoute ce qui surmonte tout en pitié , et à qui oyant, combien que tu eusses,.vn courage d'Hercules , ou de quelque Géant impiteux, les cheueux herissonneront de crainte en la teste. Le père venant pour trouuer son enfant, et ou le voyant tout mort, ou l'es- timant emporté par l'eau , que esloit-ce ? le Jsari sa femme : la femme son mari : le fils le père : le frère la seur: la seurije frère : le voisin son voisin. Car le desbordement fut si subit ( comme i'aï.dit ) et le païs tellement sur- pris , que plusieurs se cuidans sauuer demeurèrent par les chemins: beau- coup aussi ne se doutans et s'asseurans en leurs maisons, enfin furent ac- cablez, autres aussi, à qui le chemin de sauùeté pour auoir esté obstinez fut clos. Au reste la contenance de ceux mesmes qui alloyent voir les rui- nes , estoit pitoyable, soit en déplorant quelque homme de qualité, soit en regrettant quelque bel édifice , ou lieu de plaisance , soit aussi pour quelque chose particulière qu'ils voyoyent pour lors ruinée. Cependant l'action et contenance du peuple, et sa merueilleuse contrition , pour se voir affligé de la main de Dieu, tesmoignera à tous peuples sa singulière deuotion. Car outre le deuoir ordinaire pour auoir repenlancè de ses fautes, fut célébrée, le dimanche après ledit déluge, vne procession générale conduite et menée d'vn merueilleux ordre , y assistant premièrement Monsieur le gouuerneur, puis Messieurs de la Iustice et du Corps de la ville, suiuis de tout le reste du peuple, auec telle deuotion qu'il n'y auait celuy qui pour tesmoigner sa grande affection ne portast son cierge. Or Dieu nous fasse miséricorde, et nous preserue à iamais de tel péril et danger. 17