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83 borne à cette remarque que déjà d'autres ont faite : c'est qu'il y a des événements incroyables constatés avec tant de certitude, que , pour être conséquent, en refusant d'y croire, il faut en venir jusqu'à ne plus admettre de preuves histori- ques. Quoiqu'il en soit de l'opinion que l'on se formera au sujet de celui-ci, je tiens seulement à ce que ma fidélité de narra- teur ne soit suspecte ni sur le fond ni 3ur les accessoires, et à ce que l'on ne m'impute pas d'avoir usé d'invention et de broderies pour rendre mon récit intéressant. Le lecteur vou- dra bien ne pas mettre son incrédulité à l'aise par cette sup- position. Au mois de juillet 1692 , la justice informait à Lyon du meurtre d'un homme et d'une femme. C'étaient deux pau- vres artisans , dont la profession consistait à vendre du vin en détail, et qui habitaient la place Neuve. On avait trouvé leurs cadavres dans une cave qui dépendait de leur petite boutique. Tout auprès était une serpe. Au sang qui la rou- gissait et à d'horribles plaies qui gardaient sa trace, on voyait qu'elle avait été l'instrument du crime. Dans la pièce dont les malheureux artisans faisaient à la fois leur boutique et leur chambre, une somme d'argent avait été enlevée, et l'on présumait que le meurtre avait servi de moyen d'exécution au vol. Découragée après de premières recherches qui demeuraient sans r é s u l t a t , l'action de la police s'était arrêtée. Aucun soupçon ne s'élevait ; auf une indication , si légère fût-elle , ne menait plus loin que la constatation du crime. Du plus profond mystère allait naître une affligeante i m p u n i t é , lors- que la justice fut sollicitée d'entrer dans une voie q u e le mé- pris des superstitions populaires lui fermerait h coup sûr aujourd'hui. Un voisin se persuada qu'à l'aide d'un moyen surnaturel, on viendrait aisément à bout de ce que les archers de la po- lice avaient inutilement enlrepris. Il résolut de donner à la justice la plus imprévue de toutes les coopérations.