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46 s'échappant furtivement et presque honteusement sur l e front de la mère Berlhet. Je ne doute pas qu'elle ne s'en soit confessée. Un fichu bien propret et sagement épingle cache la place où furent jadis des attraits fort séduisants sans doute; une petite collerelle à la Henri IV borde le haut du fichu et cache à demi un teint fort appétissant il y a quelques quarante ans. 0 mère Berlhet, en ce costume des dimanches, prenez g a r d e , vous allez faire quelque jour un caprice. Méfiez-vous du bedeau et du suisse de votre paroisse, lorsque vous êtes ainsi parée. Quelques malins , que Dieu leur pardonne! l'ont surnom- mée la fée Urgèle, et c'est ainsi, je crois, que l'appellent les gamins du collège; si le surnom est méchant, il est du moins bien trouvé. En concevant celle aimable grondeuse, Perraut prévoyait sans doute la mère Berlhet, grande et sèche, droite et v i v e , bavarde et sermoneuse, vieille et bien conservée, toujours trotlinant et toujours grommelant; telle était la fée Urgèle , telle est noire bonne dévole. Depuis tantôt cinquante ans, la mère Berlhet remplit en cette vallée de larmes , comme elle dit en savante qu'elle est, une mission apostolique. Elle s'est chargée de rappeler aux pécheurs la grandeur et la bonlé de Dieu, les peines de l'enfer, les joies du paradis, la nécessité de la conversion prompte et v r a i e , et cela en pleine r u e , en de longs et éloquents ser- mons , embellis de citations latines toujours fort bien choi- sies, malgré son ignorance du latin, et pavés de phrases ascé- tiques et de couplets spirituels. Quelle est belle alors! sa voix haute et rapide tonne ou gémit, est méprisante ou caressante pour les impies qui l'écoulent; son geste multiplié et pres- que sublime ferait d'elle un Mirabeau femelle. Qu'on se plaise à lui débiter quelque hérésie bien grosse, quelque plaisanterie bien irréligieuse, que l'on fasse avec elle le Vol- taire ou le P a r n y , elle s'irrite, elle s'enflamme , elle s'écrie e n fuyant avec horreur : Vade, vade retrb Satanas. Elle n e traduit m ê m e pas pour l'intelligence de ceux qui ignorent