Revue du Lyonnais » série 1 - n°5 ( 1837 ) » pp.024

                                24
petit commis? Ses avis Sont utiles à plus d'un affairé qui
n'enlend pas le gare ! gare! du cocher. C'est à lui que l'étran-
ger doit souvent les plus précieuses indications et les plus
obligeants services. Sans les flâneurs que deviendraient les
journalistes , romanciers, poètes, etc.? Rire des flâneurs!
eh ! grand Dieu! c'est une insulte directe à notre brave armée,
qui promène philosophiquement ses ennuis pendant seize
heures du jour.
    J'irais même plus loin , si je ne craignais la critique , et je
soutiendrais que, seul entre les hommes , le flâneur connaît
l'homme : fidèle au précepte d'Horace, le grand flâneur latin,
il mêle l'agréable à l'utile ; en jouissant, il apprend. Quel-
quefois dans mes promenades en zigzag, m'arrêtant attentif
devant une affiche, une enseigne, ou regardant courir la
 foule affairée, analysant l'expression de certaines figures,
 étudiant la voix, le geste, la démarche, les paroles volantes
 de quelques personnages, je me suis pris à répéter avec un
 professeur fameux : Tout est dans tout. Une ville, un quar-
 tier, une famille, offrent dans toutes leurs variétés, les ridi-
 cules, les vices, lés folies et le peu de vertus qui sont parmi
 les hommes. La Fontaine et La Bruyère seront immortels ,
 parce qu'ils furent d'admirables flâneurs.
    Puis donc qu'il en est ainsi et que je suis curieux de con-
 naître cette masse dont je suis un frêle individu, inutile
 il serait de courir par le monde ; pourquoi aller, à grands
  efforts et par de grandes souffrances, chercher dans les loin-
  tains pays ce que je puis trouver à ma porte ?



                                III.


  Lavater a prétendu connaître les hommes par les lignes
de la face; Gall et Spurzheim par les protubérances du crâne;
Sterne, je crois, parla forme de leur écriture; le Spectateur