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456                          POÉSIE.




                 LES VERS-A-SOIE


   Quel est cet anélytre, à la forme grossière,
   Qui sort de sa cabane et monte à la bruyère ?
   — Voyons, que va-t-il faire — examinons de près
   Le travail qu'il commence et suivons ses progrès,
   Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire
   Henri favorisa — c'est un titre de gloire —
   Malgré ses conseillers, aux ordres de Sully,
   Le culte du mûrier, aux plaines de Bully (i).
   D'abord il s'ingénie à se trouver un gîte ;
   Puis, dès qu'il est choisi, le voilà qui s'agite
   Pour tirer de son corps l'élastique toison
   Qui doit, pour quelques jours, lui servir de prison.
   C'est là qu'il se prépare à sa métamorphose,
   Emblème ravissant de la métempsychose,
   Pour renaître bientôt, sortant de ce séjour,
   Dans un frémissement d'allégresse et d'amour !

  Après les doux transports de sa vie éphémère,
  Dévouée au trépas, la papillotte mère
   Dépose le produit de sa fécondité,
  Qu'elle pond par instinct avec rapidité,
  De crainte qu'un seul jour qu'elles fussent captives
  N'arrêtât dans leur cours ses heures fugitives.
  Hélas ! il faut mourir, — fut-il pire destin,
  Après qu'on a vécu l'espace d'un matin !
  Mais tout se reproduit ; la puissante nature
  A chaque être animé conserve sa structure ; .
  Le grain de blé qu'on jette à l'avide sillon,
  Germe et se renouvelle ; — ainsi le papillon



 (i) Provence.