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CHRONIQUE LOCALE — Tous les jours, au coup sonnant de trois heures, le surveillant d'une de nos grandes bibliothèques se lève, fait un pas en avant, ûte son tricorne et avec une précision et une correction toute militaire prononce les paroles sacramentelles : Messieurs, la séance est levée. Avec non moins de précision et de correction, nous vous dirons : Messieurs, le carnaval est fiai. Otez donc vos masques, quittez vos dominos, pendez vos défroques, c'est fini, et bien fini, il n'y a plus de carnaval. Et notez que ce n'est pas pour cette année seulement, c'est pour jamais : Messieurs, le carnaval est mort. Plus de joyeuses troupes accourant de la Guillotière ou des Brot- teaux ; plus de longues files venant de Saint-Clair ou de Perrache ; plus de bandes de Bourg-Neuf, cette manifestation célèbre, toujours la plus belle de la ville et survivant la dernière, c'est-à -dire jusqu'à ces dernières années, à la dislocation de nos vieilles coutumes. Ce n'est plus la fête du Cheval fol seulement qui a disparu, ce n'est plus l'Entrée de Madame Dimanche-Grasse qui est tombée en désuétude ''ce ne sont plus les joyeux propos du seigneur de la Coquille qui font silence, c'est le carnaval lui-même qui est arrivé où arrivent toutes choses : Messieurs, le carnaval est, fini. Il est mort et c'est la politique qui l'a tué Comment rire et s'ébau- dir quand on porte dans sa tête le plan qui doit régénérer le monde? Comment manquer à sa propre dignité, quand on se sent l'étoffe d'un Lycurgue ou d'un Solon? Comment prendra-t-on l'Etat père des en- fants? la communauté des terres? l'association universelle et tout ce qui doit prochainement faire le bonheur des humains? c'est grave, très- grave ; et vous comprenez, Monsieur, que nous n'ayonspas le temps de nous amuser. Oh! cher Monsieur, je ne regrette pas les folies du carnaval. Mais si la politique nous en a délivré, qui nous débarrassera de la poli- tique? Moi, cher Monsieur, c'est ce qui m'inquiète plus que tout au monde. Si, en attendant, nous pouvions tout simplement nous occuper à aimer notre pays ? — De grands projets sont annoncés pour la restauration et l'amé- nagement du Palais-des-Arls. Déjà on a commencé les travaux dans l'ancien réfectoire des dames de Saint-Pierre et les salles voisines ; on va y installer nos vieux marbres, statues et monuments ; quant à la galerie dite des Plâtres, elle sera consacrée à la belle collection de tableaux si généreusement offerte à la ville par M. Jacques Bernard. — Le 27 janvier, le nouveau président de la Société littéraire, M. Niepce, conseiller à la Cour, a pris possession de son fauteuil. Dans son discours de bienvenue chaudement applaudi, M. le président a exprimé le désir de voir la Compagnie donner une plus grande extension à ses travaux. Déjà , en effet, à l'instigation de M. Niepce, elle a commencé la publication d'un grand travail historique lyonnais dont notre savant et infatigable archiviste, M. Guigue, est l'auteur. Désormais, chaque année, la Société littéraire publiera, outre ses Mémoires, quelque im- portant travail concernant l'histoire de Lyon. Nous ne pouvons que la féliciter de cette heureuse décision. La Société a de grands exemples et de nobles souvenirs. Tout fait espérer qu'avec ses nouveaux chefs,elle saura maintenir ses anciennes traditions. A. V. Lyon. — Imprimerie V1NGTRINIER, directeur-gérant.