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VICTOR DE LAPRADE 417 levèrent sans verser une larme, le cœur rempli d'espé- rance. « Comme s'ils étaient sûrs, demain, de se revoir, Comme s'il avaient là , près de cette fontaine, Leur pain de chaque jour et leur table certaine, Comme s'ils avaient vu, sous ces arbres heureux, Un autel nuptial déjà dressé pour eux. » Cependant, au moment où Pierre qui reconduisait Per- nette est arrivé a la limite du bois, la jeune fille s'arrête brusquement et tressaille, et Pierre éprouve un pressenti- ment sombre. Mais il a la force de sourire. « C'est le lieu Où sera le revoir que nous promet l'adieu. » dit-il en baisant Pernette au front. « Que la joie est facile aux âmes de vingt ans, Et qu'un triste horizon s'égaie en peu d'instants, Quand parle un amoureux ! » La confiance de l'un passe dans l'âme de l'autre, et Pernette s'en retourne presque joyeuse. Joyeuse! elle peut l'être. L'empereur est tombé de son trône et les réfractaires sont libres. Telle est l'heu- reuse nouvelle qu'apporte le vieux docteur aux conscrits cachés dans les bois. « La paix, ajoute-t-il, est rendue à la France, et l'étranger lui-même, épars sur notre sol, en est le messager. A ces mots, se livre dans l'âme de Pierre un combat dont il sort vainqueur. S'il n'a pas voulu se battre sous les ordres du conquérant, c'est qu'ils lui paraissaient injustes, c'est que les enfants de la France « Etaient envahisseurs et non pas envahis. »