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                     A UN ENFANT!


Dieu t'a fait riche, enfant. Je te plains ; car peut-être,
Enervé par le vice et par l'oisiveté,
Tu seras l'un de ceux que le monde voit naître,
Engraisser et mourir, dans l'inutilité.
S'il en doit être ainsi, ( pardonne à ma franchise ! )
Je souhaite que, avant l'âge de la raison,
Pour s'envoler au ciel, ton âme vierge brise
De ton crâne muet la fragile cloison.
Enfant, on voit souvent passer dans notre ville,
Des hommes oublieux de leurs plus saints devoirs
Et qui s'en vont, trainant leur jeunesse imbécile.
De salons en salons, de boudoirs en boudoirs.
Jamais ils n'ont senti battre dans leur poitrine,
Leur cœur pétrifié ; jamais ils n'ont senti
Descendre sur leur front l'étincelle divine,
Qui porte le remords, même au plus perverti.
L'exacte probité n'est qu'une duperie,
Pour eux; le dévoûment, un mot vide de sens.
Quand l'étranger foulait le sol de la patrie,
Ils ont fui... Mais, d'ailleurs, ils sont honnêtes gens
Et ne se sont jamais brouillés avec le code.
Savoir si tel cheval a gagné le grand prix,
Quel est le favori de la fille à la mode
Et servir de modèle aux tailleurs de Paris ;
Voilà tous leurs soucis. Les lettres, la science,
Les arts, sont à leurs yeux, indignes d'intérêt.
Mais ils savent de rien causer avec aisance,
Monter un demi-sang, tirer le pistolet,
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