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POÉSIE. De ses amours, de ses douleurs. Sa joie exigeait un salaire ; Pour sa souffrance imaginaire Il devait mendier nos pleurs. Je plaçais, complaisant suprême, Son piédestal au plus haut lieu. Un et tout, il était lui-même Son adorateur et son Dieu. Absorbé dans son égoïsme, Tout à la fois soleil et prisme, Il se renvoyait ses rayons, Et dans un éternel sourire Lui-même à lui seul sur sa lyre Chantait ses bénédictions. Trompé, j'avais besoin d'apprendre Vérité, noblesse et devoir. Or, c'est toi qui m'as fait descendre En mon cœur et qui m'as fait voir. Le poète, voix prophétique, Vivant amour, âme extatique, Doit prier, instruire et bénir; Apôtre, il s'immole et s'oublie, Aux mortels enseignant la vie, Le doigt tendu vers l'avenir. Dieu, ses frères et la nature Par l'homme aujourd'hui reniés; Les esprits vivant d'imposture ; Les cœurs aimants calomniés; L'or, seule éloquente parole, Attrait tout-puissant, seule idole Qui charme et qu'on veuille adorer ! Ce spectacle plein de tristesse Fait que le poète, qu'il blesse, Se sent défaillir et pleurer.