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378 VOYAGE DE LYON A YENNE. s'ébranle, craque, se disloque et ne tombe pas; c'est miraculeux ! Tandis que la silhouette de Lyon s'efface sous un dôme brumeux, examinons, si vous le voulez bien, nos compagnons de roule. Voici d'abord un gentilhomme campagnard, grand, osseux, front fuyant, nez rudimentaire, pe'.ils yeux rond*, maxillaires développes ; pour se donner plus de ressem- blance avec un orang-oulang, il porte les cheveux ras,un col- lier de favoris, et un balon long de cinq pieds. Mais il diffère essentiellement de l'espèce, en ce que son bâton est garni d'un véritable fer de lance, — agrément inconnu parmi les quadrumanes — el termina à l'autre bout en pomme noueuse commeune masse d'armes A cerlainsmoments indéterminés, il fiche sa lance dans le planche., appuie ses deux mains sur la pomme et son menton sur ses deux mains, écarte les jam- bes et les raidi!, de façon à dessiner les trois arêtes d'une py- ramide triangulaire dont sa léle forme le sommet. Le reste du temps, il rumine, assis les talons croisés, le gros bout de la canne entre ses pieds, la pointe en l'air, les bras enroulés autour de la hampe cl les yeux au ciel. On dirait alors un mandrill grimpant à un paratonnerre. Plus lard, ce mon- sieur lire de sa poche une brochure qui doit faire partie de la bibliothèque à 1 fr. le volume. Posséder un bâton pareil et lire des romans!... Alions donc! J'aperçois le titre : De la viticulture et de la vinification. A la bonne heure. . . . Mon camarade, M. E., juge à propos de nommer cet homme : Le lancier de la comète. Le chapeau d'un jeune particulier allire ensuite notre at- tention ; chapeau en grosse spaiterie, conique, énorme, fa- buleux, comme on en voit depuis peu se promener dans n.is rues sur la tôle de quelques sots. On peut être original, en- core faut-il l'être avec goût, el j'estime que tout individu ainsi coiffé d'un édifice pointu a l'esprit comme son chapeau...