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314 NOUVELLE. marié et ctillivait avec sa famille une partie des domaines du comte G o, dont il était l'un des fermiers. On concevra facilement le plaisir que j'eus a apprendre de lui mille petits détails sur son service près de celui dont le pouvoir s'étendait de Hambourg à Rome, et qui avait pesé si longtemps et d'un si grand poids sur les destinées de l'Europe. Cet homme, qui devait faire, en uniforme, un ma- gnifique militaire, se nommait Joseph-'slarie Fossati. Brave et probe, son manque d'instruction première avait seul nui à son avancement, et il n'était parvenu qu'au grade de ser- gent, mais sa bonne mine et son intelligence l'avaient fait distinguer à l'île d'Elbe por l'empereur détrôné, qui lui avait confié l'emploi de tenir propre et rangée sa garde-robe. Souvent, quand Napoléon revenait de faire une prome- nade, il appelait Fossati et lui faisait brosser ses habits sans qu'il les ôfdl. Un jour qu'il s'acquittait de cette tâche, le héros de bonne humeur prit Fossati par l'oreille, et lui dit en souriant : « Sais-tu bien que tu fais maintenant ce qu'aucun souve- « rain de l'Europe n'a pu faire seul ?» « Comment, Sire? » « Eh! oui, tu me brosses.» Et ce bon mot répété par celui auquel il était adressé courut de bouche e:; bouche parmi les troupes du bataillon fidèle, et défraya longtemps leur martiale gaîté. En conversa.,t ainsi avec Fossati, nous arrivâmes à la porte de sa ferme, où le rappelait l'heure du dîner; sa fem- me et ses deux enfants l'attendaient militairement pour commencer leur repas. Le soldat laboureur m'invita a me reposer quelques instants sur un siège qu'il m'offrit et qu'il plaça sur le seuil de sa porte, d'où je pouvais jouir de l'aspect de la campagne et de la vue de leur frugal et champêtre festin.