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                   DES LANGUES ANCIENNES.                      497

même. Une langue porte en elle son enseignement métaphysi-
que ; enfin, elle renferme pardessus tout, avec le génie, avec le
caractère de la race qui la parle, une tradition, une substance,
une nourriture morale. Le premier mode de culture intellectuelle,
le travail fécondant par excellence, c'est l'étude d'une langue. L'i-
nitiation suprême, celle de laquelle toutes les autres dépendent,
c'est l'acquisition de la langue maternelle. Des conditons par-
ticulières de pureté, de noblesse, d'élégance, de profondeur
avec lesquelles la langue maternelle a été enseignée, disons mieux,
révélée à un enfant, dépend le niveau de son intelligence et même
de son sens moral. L'homme destiné au ministère de la parole
reçoit son style dès le berceau avec le langage de sa mère. Si -
inculte que soit ce langage au point de vue de la rhétorique, il
porte l'empreinte d'une raison et d'un cœur, et il grave cette
empreinte dans un autre cœur et dans une autre raison.
     Les qualités de la langue d'un peuple et les qualités de l'in-
telligence nationale sont identiques. Félicitons-nous, Messieurs,
 d'avoir eu pour nourrice notre langue française, si surtout elle
nous a été donnée avec les saines et vigoureuses traditions de
 ses jours de grandeur, et préservée de ce levain de bassesse qui
 tend aujourd'hui à la corrompre, en même temps que nos mœurs
 et notre génie national.
     Il est des langues qui ne peuvent plus se corrompre, et qui,
 placées au-dessus des atteintes du changement des mœurs et des
 révolutions sociales, se conservent pour nous avec toute la pureté
 et tout l'éclat de la jeunesse dans les impérissables chefs-d'œuvre
 qu'elles ont produit. On appelle ces langues des langues mor-
 tes, mais leur véritable nom, comme l'a dit le grand poète qui
 plaidait leur cause à la tribune, est celui de langues immortel-
 les. Elles vivent, en effet, depuis des siècles, de la plus noble des
  vies ; elles n'ont pas cessé un instant de parler à toutes les in-
  telligences cultivées, à tous les grands esprits. Si l'on dispute
  de l'âge entre ces langues et nos idiomes usuels, ce sont elles
  qui ont, en réalité, la supériorité de la jeunesse. Elles ont gagné .
  à l'extinction des races chez qui elles se développèrent, ce que
  l'âme gagne à sa délivrance du corps, elles vivent dans une
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