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194                 LE MARIAGE DE MA VOISINE.
      Divise sur son front en deux nattes égales
      Ses fins cheveux épars en brillantes spirales,.
      Et la voilà qui vient, la pudeur sur le front,
      D'un examen douteux solliciter l'affront.

      Le sultan a souri d'un air grave et paterne,
      Sur toutes ces beautés il promène un œil terne ;
      Elle n'a pas encore osé lever les yeux,
      Que déjà son regard, avide et curieux,
      Perçant son voile, armé d'une sGience impure,
      A violé les nœuds de sa chaste ceinture 1
      On demande sa main ;—et le père prudent
      Évite le hasard du choix à son enfant.

      Marché conclu ! — Pourtant la pauvre jeune fille
      Pleure ; elle va quitter sa mère et sa famille ;
      Puis un secret instinct de crainte et de pudeur
      Fait monter à son front tout le sang de son cœur -r
      Hier, elle jouait, étourdie et naïve,
      Elle courait joyeuse au soleil, folle et vive,
      A tous les vents du ciel ouvrant son jeune cœur,
      Chantant comme un oiseau, belle comme une fleur,
      Mais comme eux s'ignorant elle-même, aussi pure
      Enfin qu'elle sortit des mains de la nature.
      Adieu les rires fous, et les rêves dorés,
      Et les jeux enfantins sur les herbes des prés !
      Loin de ses jeunes sœurs il faut, demain peut-être,
      Suivre cet étranger qu'on lui donne pour maître.
      A ses amours d'enfant c'est un dernier adieu.

      Ainsi fut mariée—à la grâce de Dieu—
      Notre pauvre voisine. Elle était vraiment belle
      En allant à l'église. Un brouillard de dentelle
      S'épaississait autour de son corps virginal...
      — Mais l'époux était laid et juge au tribunal.
                                    CHARLES REYNAUD.