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                   DES LANGUES ANCIENNES.                      499

que les œuvres modernes. La poésie allemande, la poésie es-
pagnole ont avant tout une valeur nationale. Le mérite su-
périeur de notre littérature est dans la généralité des senti-
ments qu'elle exprime. Ce mérite, la poésie antique nous le
présente à un degré encore plus éminent. C'est un aliment ap-
proprié à toutes les jeunes intelligences, comme le lait à tous les
nouveau-nés.
   En même temps, ces œuvres du génie grec restent, par cela
même qu'elles sont plus naturelles, ce qui a été fait de plus
sain, de plus pur, de plus raisonnable, en un mot de plus beau,
dans toute l'histoire de l'art. A mesure que l'homme avance dans
la vie et les peuples dans l'histoire, tout se complique et devient
tourmenté, les sentiments, les physionomies et l'art qui les re-
produit. L'art antique pour modèle des types qu'il nous a trans-
mis, trouvait des formes corporelles et des caractères nettement
définis, composés de traits purs, symétriques et non pas de ces
figures qui abondent dans nos cités modernes, et dont la face
est un amas confus de ratures, selon la pittoresque expression
d'un penseur américain.
   Si l'âme et la littérature moderne sont plus profondes, plus
sublimes, elles sont aussi plus tourmentées, moins harmonieuses.
L'antiquité plus simple, plus calme et plus sereine est aussi plus
belle. La Grèce représente excellemment cette courte époque de
l'histoire où les deux grandes conditions du beau se rencontrent :
c'est-à-dire où la civilisation a déjà produit un art libre, une
pensée indépendante qui commence à se posséder, à se raison-
ner elle-même, et où la nature est encore assez jeune, assez
primitive, assez puissante pour dominer l'art et l'inspirer avec
une simplicité souveraine. La littérature antique est belle de
cette merveilleuse et fugitive beauté du jeune homme qui porte
déjà sur sa face l'expression de la passion et de la pensée, et
qui garde encore pourtant cette fleur de grâce simple et sereine
qui est le propre d'une saine et robuste adolescence. « Cette lit-
térature s'exprime simplement comme le font sans le savoir
les personnes d'un grand sens, avant que l'habitude de réfléchir
soit devenue l'habitude prédominante de l'esprit. Notre admira-