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                      BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.                              265
offensante n'est venu trahir un mauvais sentiment ni se mêler aux élans de sa
bonne humeur. Son cœur est toujours resté maître de son esprit et c'est là
son plus bel éloge. Car qui ne sait combien il est difficile de s'arrêter devant
un bon mot, alors même qu'il va droit à un cœur ami.
   Le docteur More! n'eut jamais ce reproche à se faire. Pas une de ces
chansons ne lui coûta un regret. De sou vivant, nul ne put lire les aimables
produits de sa verve. Il les chantait; il ne lescommuniquaitapersonne.il
n'avait pas le temps de les revoir et de les polir. Une fois mises au monde, il
les oubliait pour ne s'en souvenir qu'à la première occasion où il lui était
permis d'y ajouter un couplet de plus. C'est ce qui explique le sans-façon,
le laisser-aller de la plupart de ces chansons. Si la rime n'est pas toujours
suffisante, si le tissu est parfois un peu lâche, l'expression familière, en re-
vanche, le Irait ne manque pas et la saillie abonde. Il faut avoir entendu
chanter le docteur pour savoir tout ce que les enfants de sa muse gagnaient à
passer à travers le sourire de ses lèvres et sous l'éclair de son œil spirituel et
bon tout à la fois. Qui de ses amis ne se complaît à rappeler quelques-uns des
couplets de son interminable chanson : Fi des cheveux ! avec quelle grâce
toute marquoise ne disait-il pas en se frappant le front :


                         Les bonnes têtes sont celles
                          Faites dans ce genre là ;
                         Sans gêne et pat étincelles
                          L'esprit soft;     quand on en a ?



   Comme il raillait la gent assassine à laquelle il appartenait. Il fournissait
volontiers des traits contre la médecine et les médecins. Il faisait des chan-
sons sur tout        voire même sur certain canal qui lui amenait, disait-il,
son meilleur vin. Tout lui était bon : allopathie, homœopathie, hydrosupa-
thie. Il saisissait le ridicule partout où il lé trouvait ; il ne s'arrêtait que
devant un nom propre, à moins qu'il ne s'agit des vins de Jujurieux,
de Gravelles ou bien encore de Vancia, de son bon ami M. Acher, vins du
crû qui ne troublaient pas la raison, car c'étaient eux qui se troublaient, vins
dont il chérissait les propriétaires et qu'il aimait beaucoup mieux chanter
que boire.
   Laissez-moi vous parler ici de quelques sociétés dont René Morel fut l'âme :
une Réunion de médecins et d'artistes, connue sous un autre nom plus
énergique, les banquets du Cercle de l'ouest et la Société des Intelllligenees,
société de bons vivants dispersée déjà sous le souffle révolutionnaire de 1848,
après dix années d'existence. Ai-je besoin de vous dire combien il était aimé