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49a DE L'ENSEIGNEMENT
région sereine, elles sont entrées en possession de l'éternité:
L'ignorance la plus complète des véritables conditions du
développement intellectuel de l'enfance est au fond de toutes ces
attaques contre le latin et le grec. Déguisée sous ce faux sem-
blant de bon sens et de sagesse pratique qui s'impose si vite à l'o-
pinion, parce qu'on y croit entendre la voix même des intérêts
matériels, cette erreur semble ne plus rencontrer de contra-
diction ; et nous voyons des hommes, lettrés pourtant, se de-
mander pourquoi l'on ne remplace pas le latin et le grec par
des langues vivantes.
Un parallèle entre les deux grands idiomes de l'antiquité et
les principaux dialectes modernes, est une oeuvre trop vaste
pour être traitée ici sous forme incidente, elle demanderait d'ail-
leurs des connaissances plus profondes que les nôtres. Cepen-
dant, la supériorité des langues anciennes, au point de vue de
l'éducation première, éclate d'une façon si évidente que nous
n'aurons pas de peine à la faire ressortir, surtout devant un au-
ditoire français. Les mêmes causes qui tendraient à faire de la
langue française la langue universelle et classique de l'Europe,
et à remplacer dans l'enseignement le grec et le latin, si ces deux
langues périssaient, ces causes et d'autres encore militent en
faveur des langues de l'antiquité.
Le français est clair, logique, raisonnable entre toutes les lan-
gues ; mais il est l'idiome analytique d'une époque de maturité
de l'esprit humain; il n'a pas cette sonorité, cet éclat, et en
même temps cette énergique concision des dialectes qui servirent
à la poétique adolescence des peuples. L'ordre d'idées, d'images,
de sentiments qu'il est le plus apte à rendre et qui remplissent
nos chefs-d'œuvre littéraires, est moins jeune, moins simple,
moins universel que l'ordre où se renferme la poésie antique.
Les formes sont plus abstraites, les expressions moins pittores-
ques, et par là moins propres à se graver dans la mémoire ; en
même temps la complexité des sentiments rend le fond plus dif-
ficile à saisir par de jeunes et fraîches imaginations. Tout ce
qui provient du génie des anciens, langue, art, poésie, est plus
spontané, plus naturel et, par là , plus universellement humain