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496                    DE L'ENSEIGNEMENT
est certain qu'avec l'enseignement professionnel commencé trop
tôt et aux dépens de l'instruction générale ; au lieu de créer un
homme, vous ne faites que forger un outil.
    Les études littéraires s'adressent à l'âme tout entière ; il n'est
pas un recoin de l'imagination, de la raison et du cœur où elles
ne portent le flambeau. En nous faisant vivre de compagnie
avec les hommes de tous les siècles, la poésie et l'histoire éri-
gent en nous le type de l'homme idéal. Vers cet idéal, elles
dirigent, en l'éclairant, notre volonté ; elles la vivifient par le
puissant mobile de l'enthousiasme.
    Si donc, l'homme est autre chose qu'une machine intelligente
dont l'éducation doit monter le ressort pour une fonction déter-
minée, si l'homme est avant tout un être moral, la question
 entre l'éducation professionnelle et l'éducation littéraire est ju-
gée. Elle est jugée aussi entre les lettres et les sciences, du mo-
ment où l'enfant est à vos yeux quelque chose de plus qu'un
appareil logique à faire mouvoir, du moment où vous tenez
 compte de sa volonté et de son cœur.
    Il y a trop de nécessités morales qui plaident la cause des
belles-lettres, pour qu'où refuse entièrement les études littérai-
res à l'institution de la jeunesse. On admet les principes, mais
 on se réserve d'en ruiner l'application en sapant la base de
l'enseignement classique, c'est-à-dire l'étude des langues, et, en
particulier, celle des langues anciennes. A force de bannales rail-
leries adressées au grec et au latin, le préjugé commun contre
les langues anciennes, parti du fond du matérialisme industriel
 et des instincts grossiers de la démagogie, a fini par s'imposer
même à des gens raisonnables. L'enseignement d'une langue est
trop évidemment le début nécessaire de toute instruction, mais
 pourquoi pas, s'écrie-t-on triomphalement, une langue vivante
 au lieu d'une langue morte ?
    Une langue, c'est toute une philosophie. C'est d'abord toute
 une logique, et non point une logique étroite, spéciale, comme
 celle des sciences exactes, fausse par conséquent en dehors du
 monde auquel elle s'applique, c'est une logique vivante qui dé-
 coule de faits réels et palpables, qui ressort de la nature elle-