Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
414                HISTOIRE DES JOURNAUX DE LYON.

  Voici un échantillon du style et de. Y esprit du Père Duchéne
de Lyon, fils très-légitime de celui de Paris :
    « Vive la République ! nom de Dieu, le Père Duchéne n'est pas trop fâché
aujourd'hui. C'est foutre bien heureux ; car en arrivant à Bourg, j'ai manqué
d'entrer dans une colère de trente mille millions de bougres. Je me préparois
déjà à boucaner toute la commune. On m'avoit dit qu'il n'y avoit, calcul fait,
qu'une centaine de patriotes dans tout le département de l'Ain, et que la
contre-révolution s'y mitonnoit. Moi, tout de suite, je me fous le sac sur le
dos, le fusil au bras, la giberne au cul, la pipe à la gueule, et me voilà en
route. Chemin faisant, je compte par mes doigts et je dis : « Cent patriotes
« dans le département de l'Ain ; il y a neuf districts, cela faiWout juste onze
 « patriotes par district. Mais, à Bourg, c'est une différence, il faut encore en
« rabattre. Il y en a eu trois d'incarcérés et qui sifflent la linotte. De onze
> reste huit. C'est donc huit patriotes pour le district de Bourg ! ah foutre '.
  i
« ça n'est pas lourd ! Au reste, nous verrons !
    « Au club je me fous sur un banc... Je me trouve à côté d'une bougresse
«   qui avoit une belle pelisse bleue, un fin jupon blanc à falbalas, une jolie
«   tabatière d'or et point de cocarde, foutre. »—«Monsieur, me dit-elle, avec
«   un air sucré , monsieur est étranger. Veut-il accepter une prise de tabac
«   d'Espagne ? »
    « Non, je lui réponds ; je ne suis pas un monsieur, je ne suis pas un étran-
«   ger, je suis un citoyen. Je ne prends pas du tabac d'Espagne, nom de Dieu !
«   Je prends du tabac de la République. J'ai ma carotte et ma râpe dans ma
«   poche, et quand cela me fait plaisir, je le fume ou je le mâche, foutre. Hue !
«   muscadine ! »

  On serait tenté de sourire en lisant ces lignes ; on se sur-
prend à penser qu'un pareil style et de telles idées ne sont qu'une
débauche d'esprit. La lettre suivante fera peut-être prendre le
Père Duchéne au sérieux :
   « La Commission temporaire, établie à Vil!e-A8'ranehie,aux présidents des
Comités révolutionnaires du canton d'Amplepuis :
   « Vous recevrez exactement, citoyens, tous les arrêtés et toutes les instruc-
tions de la Commission; en attendant, nous vous faisons passer quelques exem-
plaires du Père Duchéne et de l'instruction que nous avons rédigée ; vous y
trouverez un aperçu de vos devoirs, mais elle ne peut les renfermer tous. Les
circonstances font naître à chaque instant des occasions et des moyens de dé-
velopper le zèle du véritable patriote. Souvenez-vous que la terreur est à
l'ordre du jour, que vous avez des conspirateurs à découvrir, des traîtres Ã