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76               BÉRANGER ET PIERRE DUPONT.
XVIII aux derniers discours de Victor Hugo, la distance est
grande ; mais je l'ai déjà dit, et je le répète plus nettement, la
muse de M. Dupont a, quant au fond de la pensée, très peu
varié; qu'on lise ses chansons, ses légendes, sans parti pris,
sans défiance systématique, on se convaincra aisément que sa
muse est restée chrétienne. Sauf une strophe, dans le goût de
Béranger, où l'éternité des peines de l'enfer est niée, je ne
crois pas qu'il y ait trace d'hétérodoxie, dans son dernier
volume, et encore faut-il remarquer que certains grands esprits,
se prétendant très bons catholiques du reste 7 comme Ballauche,
par exemple, n'ont jamais pu se résoudre à accepter cette partie
du symbole de l'église ; ils ont môme soutenu que la croyance à
l'enfer n'était pas obligatoire pour les catholiques. Je n'ai pas à
discuter ce point. Je maintiens seulement que l'inspiration de
M. Dupont est chrétienne ; il me suffira de citer, pour le prouver,
les Louis d'or, le Sauvage, la Comtesse Marguerite, Belzébuth,
le Noël des Paysans, les Filets ; il semblerait résulter de ces
diverses pièces, que l'auteur rêve une sorte de christianisme
 social, comme solution aux difficultés présentes. Par la filiation
 de l'esprit, il se rattache plutôt à Fénelon qu'à Lafontaine et à
Molière. Dans les Louis d'or, c'est un signe de croix qui chasse
le diable et procure, à celui qui l'a fait, la meunière, le moulin
 et les cent louis d'or. Dans la Comtesse Marguerite, c'est
Jésus-Christ lui-même qui, déguisé en voyageur, reçoit l'hos-
pitalité dans un pauvre castel :
                     Et soudain ensorcelé,
                     Le castel n'est plus qu'une salle
                     Où, parmi les fleurs et le fruit,
                     On festin somptueux s'étale.
                     Le jour s'allume en plein minuit.

  La strophe suivante, qui termine Belzébuth, en indique
nettement l'esprit :
           Je ne crois pas que vous teniez le monde,
           Reprit l'enfant, d'un ton de voix fort doux,
           Et, de sa main, traçant la mappemonde,
           Il écrivit sur le pôle : Aimez-vous,