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340 ESTIEKNE DU TRONCHET. Ou ne se douterait guère aujourd'hui que c'est au forcsien du Tronchet que nous devons, en majeure partie, l'introduction dans notre langue de ce genre de littérature. Rien de plus vrai pourtant. De patientes recherches m'ont donné sur ce point une entière conviction ; Sorel (1) va même plus loin ; il prétend « que « le plus ancien recueil connu de lettres familières est celuy « d'Estienne du Tronchet, qui a pour titre : Thresor de la pliimr « française. » Mais c'est une double erreur; avant cet ouvrage qui parut en 1572, du Tronchet avait publié en 1568, la pre- mière édition de ses Lettres Missives ; et, bien avant ce dernier recueil, en 1539, avaient paru, chez D. Janot, les Epistres fami- lières et invectives composées par Dame Helisenne de Crenne. Ces dernières lettres sont d'un style si tourmenté et si bizarre que la lecture en est presque insoutenable.Elles n'eurent que deux ou trois éditions. Celles de du Tronchet au contraire, qu'on ne suppor- terait guère mieux aujourd'hui, eurent, dans un espace de moins de cinquante ans , plus de douze éditions. C'est je crois la meilleure preuve de la vogue surprenante dont elles ont joui (2) pendant ce temps-là . Que le style de du Tronchet soit guindé , boursouflé, suranné au-delà de toute expression, qu'il soit le sublime du ridicule, je ne démentirai certainement pas sur ee point le jugement de M. Philarète-Chasles ; mon intention n'est pas de le réhabiliter et de lui donner un piédestal. Mais comme cet écrivain nous a légué de très-curieux échantillons de notre langue, au temps où il vivait, comme son livre a eu plus de lecteurs au XVIe siècle que n'en eût Ronsard lui-même, le poète alors le plus en vogue, du Tronchet doit avoir sa place dans notre histoire littéraire. (1) Voit la Bibliothèque française de Sopel. (2) Parmi les rares traductions des auteurs épistolaircs anciens, je crois devoir signaler : Les epistres faïuiliaircs de Marc Tulle Cicero, père d'élo- quence latine, nouvellement traduictes de latin en françoys, par Est DoK-t. in-8, 1542, Jean Longis. La première édition des lettres d'Est. Pasquier ne parut qu'en 1584. Paris, in-4°, Abcl l'Angelier.