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             ÉTUDE SUR LA LANGUE DES HÉBREUX.                 395
 la véritable constitution et l'intime structure du génie d'une
 nation : la prosodie, le rhythme, qui sont comme la sensibilité
 d'une langue, nous font pénétrer jusqu'à ce trésor de poésie et
 d'inspiration sainte, qui élève un peuple au-dessus des appétits
 sensuels. Car les satisfactions terrestres ne suffirent jamais à
 l'humanité, et toujours un sentiment du bien et du beau se fit
jour dans des chants pleins de poésie et se fixa dans des monu-
 ments littéraires , en même temps que le sentiment de la justice
 se fixait dans les lois et celui de la vérité près des autels.
    Malheureusement, hélas ! la forme extérieure de la poésie
 hébraïque n'est plus appréciable pour nous. Il est à croire que
 la phrase poétique fut soumise à une organisation spéciale, dont
la vraie nature nous échappe. Mais tout tend à établir que les
 Muses de Sion ne parlèrent jamais un langage mesuré et proso-
 dique , qui s'emprisonne dans un mètre sévère et comprend des
retours réguliers, des espaces mélodiques uniformément accen-
tués, analogues à ceux de la métrique des Grecs et des Latins.
Et c'est là un phénomène surprenant dans une grande littéra-
ture, et qui accuserait peut-être dans le caractère du peuple un
manque de cette exaltation suprême et idéale, de cette impétuo-
sité d'émotion poétique, qui crée d'ensemble et d'un seul jet
l'idée, le sentiment et le rhythme, qui incruste le langage , le
solidifie , le jette dans un moule vivant où le génie fait couler,
comme la lave ardente d'un métal en fusion , à la fois la pensée ,
l'image et l'expression.
    La prononciation elle-même de la langue, ce rayonnement des
émotions et des agitations de l'âme à travers la forme matérielle
des mots, n'est point hors de contestation aujourd'hui, et
nous ne pouvons nous flatter de faire entendre ces mêmes
intonations , ces accents qui retentissaient autour de Jérusalem
la sainte, dans ses jours de fête, ou sur les bords des fleuves de
Babylone, aux jours de la captivité. Toutefois, il n'est pas à
croire que l'expression musicale , chez les Hébreux , eut atteint
un haut degré de perfection. Le caractère qui distingue leur
idiome, comme tous ceux de l'antique Asie, ce sont des aspira-
tions nombreuses et une prononciation gutturale cl emphatique