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             ÉTUDE SUR LA LANGUE DES HÉBREUX.                    401
tinuelle influence des choses matérielles, et la moitié de son âme
lui vint de l'univers.
    Naturellement sa langue se teignit de ces mêmes couleurs , et
comme un miroir fidèle, reproduisit les mêmes spectacles. Cha-
que mot fut une image et chaque image un reflet de l'univers.
L'abstraction lui fut inconnue et la métaphysique impossible.
Atteignant les objets par leurs qualités extérieures, cette langue
se refusa à toute spéculation purement intellectuelle et à toute
œuvre de combinaisons logiques et idéales. Mais en retour, elle
fut éminemment propre à la peinture des impressions et les plus
fugitives et les plus délicates. Nulle langue ne présenta de meil-
leures conditions à la poésie, qui vit avant tout d'images et de
sensations, qui aime ce demi-jour et cette pénombre des expres-
sions métaphoriques. En hébreu, la colère n'a pas de nom
propre ; elle s'appelle souffle brûlant, frémissement,     bouillonne-
ment , suivant sa nature : la patience est une longue haleine, le
silence est une sculpture : décider quelque «hose s'appelle tailler
et penser c'est parler. Tout est peinture et mouvement dans le
style sacré : les objets vivent et respirent sous cette parole si
sensible et dans chaque mot on croit entendre comme l'écho
d'une sensation lointaine.
    Sans aucun doute, c'est à cet empire que les choses extérieu-
res exercèrent sur l'esprit de la nation juive , qu'il faut attribuer
ce caractère sensuel qui lui est si souvent reproché. Elle a
toujours gardé ce goût très-vif des réalités et ces tendances po-
 sitives qu'elle laissa à l'origine déposer dans ses affections. Il ne
 faut donc pas s'étonner de ne rencontrer dans la race sémitique
 ni cette hauteur de spiritualisme qui caractérise le génie de
 l'Inde et de la Germanie , ni ce sentiment de la beauté parfaite ,
 ce goût exquis de la forme plastique , que la Grèce a légué aux
 générations modernes , ni cette sensibilité délicate et profonde ,
 qui s'est développée dans l'âme des nations celtiques. Le culte
 judaïque lui-même ne fut jamais pleinement désintéressé. L'es-
 prit de ce peuple, en s'adressant au ciel, ne perdit pas la terre de
 vue ; et si l'on excepte les psaumes de David, ces gouttes de ro-
  sée tombées du ciel, et qui y remontent sur les ailes de la prière
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