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560                          NECROLOGIE.
   Chose singulière! David perpétuellement voué aux eavalines
du feuilleton et de la réclame , aux broderies de la seconde page
du journal, à toute cette littérature qui suppose d'ordinaire
chez celui qui s'y adonne plus de malléabilité d'esprit que d'in-
flexibilité de caractère, David était une nature très-carrce et de
convictions bien assises. Mis en contact journellement par sa
profession et ses goûts avec les idées de son siècle, il y était
resté réfractaire par tous les points. Il appartenait au passé tout
entier, sans transaction avec le présent qu'il trouvait précaire, et
avec l'avenir auquel il ne croyait pas. Pour lui, il n'y avait qu'un
seul principe de gouvernement possible : l'obéissance, ou volon-
taire ou forcée. Si jamais il a lu, ce dont je doute, car il lisait
peu, le fameux chapitre des Soirées de St-Pétersbourg sur le rôle
social du bourreau, je suis sûr que la théorie de M. de Maistre ne
l'a pas fait sourciller. A ses yeux, le roi de Naples était, en Eu-
rope, le seul roi qui comprît la situation. Avec ce tempérament,
on comprend qu'il dût avoir des antipathies profondes contre
certains écrivains : Voltaire, Molière, La Fontaine etc., etc. Il
avait même dans les grandes occasions, au sujet de l'auteur
de Candide, une phrase qu'il accentuait avec beaucoup de véhé-
mence : « Moi vivant, s'écriait David , je ne souffrirai pas qu'on
dise que Voltaire a eu de l'esprit. » Il est vrai qu'il ne faisait pas
non plus grand état du doux et pieux auteur à'Esther; mais cela
tenait, je crois, à des ressouvenirs de son séjour à Paris, au temps
où il avait côtoyé la Bohême, pendant sa collaboration au Cor-
saire-Satan.
   J'en ai dit assez pour faire comprendre que David n'était pas
une personnalité banale et coulée dans le moule de tout le monde.
Au fond, il avait, je n'hésite pas à le penser, le sentiment que sa
destinée était ou avait été incomplète, et il a dû en souffrir sour
dément, quoiqu'il ne fût point ambitieux •, c'était une nature dont
tous les éléments n'étaient peut-être pas encore complètement
pacifiés. Une certaine absence de mesure dans les opinions est
souvent l'indice des conflits intérieurs que l'on étouffe. Ajoutez
que le mouvement expansif était chez lui lent à se produire, sans
spontanéité, un peu défiant. C'est là, du reste, un trait essentiel
du caractère lyonnais.
   Avec l'âge et les enseignements de la vie, le calme lui serait
sûrement venu. Toutes les forces dont il disposait se seraient
équilibrées et sa maturité les eût mises en œuvre. Pour que la
bienveillance innée en lui s'échappât à larges flots, il suffisait de
dégager pour ainsi dire l'issue de la source et de s'en approcher.
Tous ceux qui l'ont connu le savent. Empressé pour ses amis,
même ceux de la veille, le dévoûment lui était facile. Il n'était
mordant et comme épineux que pour ceux qu'il ne connaissait pas.
   Au moment de la promulgation du décret de l'Immaculée Concep-
tion, David eut occasion d'écrire un ou deux articles, sérieux
cette fois, sur la sanction de ce dogme. Je me souviensque cesarti-