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DISCOURS DE M. HEINRICH. 135 rachetées par le sang du Christ ; elle les dépose sur la rive, et bientôt après la face lumineuse de l'ange annonce encore son retour et l'arrivée de nouveaux hôtes. Quelquefois, Mes- sieurs, à la lecture de ce beau passage, j'ai comparé à cette barque légère la strophe de Dante qui, toujours rapide, étin- celante, toujours chargée d'une pensée féconde, revient sans cesse illuminer l'intelligence et la peupler d'idées nouvelles. Il est donc facile de comprendre l'influence qu'un tel livre devait exercer sur la langue italienne, mais cela ne suffit point pour lui assigner son véritable rang parmi les chefs- d'œuvre qui honorent l'esprit humain. On peut, avec un moin- dre génie, aspirer à la gloire de fixer une langue, et n'être pourtant, quelques siècles plus tard, qu'un sujet de curieuse étude pour l'historien ou l'érudit. Dante fut mieux inspiré et mieux servi. Cette vieille foi de la catholique Italie, qui anime tout son poème, est le patrimoine commun et l'héri- tage de tous les peuples ; cette théologie, dont il n'ignore aucun dogme, demeure le plus magnifique et le plus durable monument qu'ait élevé l'humanité pour la gloire de Dieu et la défense du vrai. Aussi, partout où se poseront ces éter- nelles questions que soulève l'idée de Dieu et le problème de la destinée future de l'homme, Dante trouvera des admi- rateurs, heureux de retrouver dans son livre, revêtues de tous les charmes de la poésie, ces vérités sublimes dont la recherche fut la passion de tous les grands esprits. Ses al- lusions même aux querelles de son siècle, qui firent la for- tune de son livre chez ses contemporains, ne sont pas pour nous d'un moindre intérêt, et c'est peut-être la le prodige de son génie. Voyez Aristophane : lui aussi remue le ciel et la terre pour venir, sur le théâtre d'Athènes, châtier ses ennemis devant une foule intelligente et railleuse ; il nous étonne encore par la hardiesse de ses conceptions et l'âpreté de ses mordantes satires ; mais, chez lui, plus d'un trait a