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96 IMPOSITION UNIVERSELLE marquantes peut-être que les deux portraits de femme exposés par M. Léon Coignet, l'habile auteur du Tintoret et sa fille, l'un des plus admirables tableaux qu'ait produits l'école moderne et qui appartient au musée de Bordeaux. Une élève de M. Cha- plin , MIle Henriette Brown a exposé le portrait d'un frère de l'école chrétienne, supérieur encore à celui de M. Horace Vernet, que les artistes comme les gens du monde ont remarqué à î'envi et qui est pour tous le gage assuré d'une belle réputation à venir. Je vous dirai peu de chose du Décaméron impérial de M. Wintcr- halter ; cette grande toile, qui a eu, sans le mériter, l'heureux privilège d'attirer l'attention publique pendant toute la durée de l'exposition universelle , m'a prouvé, ainsi qu'à beaucoup d'autres, que si M. Winterhalter avait voulu faire de la peinture sérieusement étudiée et d'une véritable valeur, ce talent qu'il met à créer des femmes impossibles y aurait suffi parfaitement. Cet artiste a préféré la fortune et les succès faciles à la vraie réputation ; il les a, il doit être au comble de ses vœux. Son portrait de l'Impératrice assise et vue un peu plus qu'à mi-corps prouve la justesse de cette assertion ; il établit encore mieux combien, avec de belles dispositions et les qualités d'exé- cution les plus réelles, il est facile de faire fausse route. Dans les arts plus que partout ailleurs peut-être , l'abus que l'on fait des dons que la nature vous a départis porte en lui-même sa juste punition , c'est une loi providentielle, elle est aussi équitable qu'elle est sévère. Je vous ai souvent, Monsieur, dans le cours de cette lettre, signalé la supériorité, manifeste pour moi, de l'école française sur les écoles étrangères. Cette supériorité je la retrouve mieux établie encore dans le paysage que dans les autres genres, par le nombre et la vérité des individualités plus personnelles et plus tranchées ici que partout ailleurs. Le paysage historique, qui me paraît, quoi qu'on en ait dit, avoir autant de raison pour exister que le paysage réaliste, n'était pas seulement représenté à l'expo- sition universelle par M. Paul Flandrin, mais il l'était encore et cela d'une façon très-remarquable, par trois autres hommes de talent : M. Aligny (Prométhée), M. Desgoffe {les Joueurs de palet] et M. Lccointre (le Figuier maudit), trois belles pages qui m'ont paru suffisamment venger des mépris de quelques rapins et de quelques critiques, ce genre de peinture, si étrangement et si faussement apprécié aujourd'hui. Deux autres peintres de mérite, MM. Bellet et de Curzon servaient de transition entre les deux écoles de paysagistes. Je me borne à citer en passant deux de leurs toiles: la Fuite en Egypte etDémocrite, et j'arrive pour terminer enfin au paysage réaliste. Cette école, fortpréconnisée aujourd'hui, a pour elle l'autorité du nombre et parfois aussi celle du talent ; ses représentants les plus accrédités, les seuls dont il me soit permis de m'occuper, ont à la fois des qualités qui leur sont communes et d'autres qui leur appartiennent en propre.