page suivante »
524 MADEMOISELLE DE MAGLAND. osé l'espérer. Pour que mon bonheur soit complet, reste auprès de nous jusqu'alors. — Je ne voulus pas m'engager à passer tout l'hiver loin de Paris, mais je promis à Raoul d'êlre ici à l'époque de son mariage. Il me parut plus à son aise après cette conversation, ei ce fut avec l'accent de son ancienne gaîté qu'il me proposa de partir pour le Genêt. La neige avait cessé de tomber, et le froid était piquant. Nous parcourûmes rapidement la courte distance qui sépare les deux habitations, et la voiture s'arrêta bientôt sous un porche cons- truit de manière à mettre bêtes et gens à l'abri. La vive lueur d'un bon feu brillait à travers les fenêtres d'un vestibule dont la porte s'ouvrit à notre arrivée. Des domestiques empressés nous conduisirent à travers plusieurs pièces, toutes chauffées et éclairées, jusqu'à un petit salon, défendu du froid par une double porte sur laquelle retombait encore une épaisse draperie. II y avait dans tout ce comfort un si grand contraste avec le cérémonial glacé et un peu arriéré de Mme de la Rochemarqué, que je me sentis re- venir un peu de ma liberté d'esprit ordinaire, en même temps que j'éprouvais ce sentiment de bien-être qui porte à la bien- veillance, et dispose à toutes les bonnes impressions. A notre arrivée, Mlle de Magland jouait aux échecs avec son grand-oncle, et son père modelait le profil de sa nièce ; ce joli tableau d'intérieur s'encadrait dans un de ces petits salons douillets, cotonneux, comme quelques femmes seulement savent en faire. Ce n'est partout que tentures et tapis soyeux, sièges moelleux, enfin, toutes les recherches de la vie élégante, raffinées par un goût exquis. Quelques tableaux d'anciens maîtres, des bronzes antiques d'un choix parfait, disposés sur quelques-uns de ces meubles florentins devenus si rares aujourd'hui, décorent ce délicieux réduit ; une glace sans tain s'ouvre sur une serre-chaude qui aboutit à une ancienne chapelle dont on a fait une bibliothèque ; tout cela, arrangé avec la fantaisie originale d'un artiste, a un certain parfum de goût et d'intelligence qui séduit tout d'abord. Quoiqu'en général il n'y ait rien de plus infidèle que les portraits à la plume, ombrés de mots poétiques, qui sont plutôt das si- gnalemc^'s que des peintures, je veux essayer de te donner une