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EXCURSION DANS LE MIDI. 411 dans son alcôve ; c'est aussi ce que j'avais fait, je m'étais levé de très bonne heure. Ma promenade matinale dans la ville me mit à même de constater les mesures de sûreté publique prises sous la p r o - tection de l'autorité constituée et pour son plus grand hon- ne.ur, afin qu'à Marseille le café au lait devint désormais une vérité comme la charte. Ce n'est pas que l'identité du moka ou du marlinique y soit plus suspecte que dans une autre ville, puisque les négociants marseillais le reçoivent directement par leurs navires, et que les épiciers n'y mêlent pas beaucoup plus de chicorée que leurs estimables confrères le font ail- leurs ; mais parce qu'à Marseille, depuis un temps immé- morial, les maîtres d'hôtel et les cafetiers prétendaient que le lait de vache n'avait jamais existé, et que c'était une utopie. Ce fut donc avec une satisfaction bien vive que je remar- quai des troupeaux de vaches, aux pis pendants et arrondis, circuler dans toutes les rues et s'arrêter devant de nom- breuses maisons, sans en excepter les cafetiers, Je ne pouvais trop admirer l'instinct de ces pauvres animaux qui précèdent leurs maîtres, et vont de porte en porte, s'arrêtant tour à tour devant la demeure de chacune des pratiques, sans ja- mais se tromper. Si le nourrisseur ajoute une pratique nou- velle à la clientèle accoutumée, dès le lendemain tout le troupeau sait qu'il y a une porte de plus. Le carillon des clochettes avertit de loin les ménagères qui sortent et voient traire le lait devant elles. Il en est de même de l'amateur en voyage, désireux de connaître les lettres de naturalisation et la virginité du lait qui doit couronner sa lasse de café. Le malheur est que beaucoup de limonadiers, de maîtres d'hô- tel et de restaurateurs, à Marseille, ont deux portes à leurs maisons, au moyen de quoi, pendant que le lait de vache entre d'un côté, de l'autre on fait entrer le lait de contre- bande, c'est-à -dire, le lait de chèvre. Règle générale et, malgré la laiterie ambulante dont je viens de parler, à Marseille, on boit infiniment plus de lait