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412               EXCURSION DANS LE MIDI.
de chèvres que de lait de vaches. C'est un avantage que ia
Provence a sur Paris, où l'on boit le lait de toute provenance.
   Rentre à l'hôtel, j'y attendais l'heure du rendez-vous que
m'avait donné M. J h . M... Il y avait, épars sur une table du
salon, plusieurs volumes appartenant à l'hôtel. Celaient des
romans-feuilletons à la mode, nu seul excepté. Celui là avait
pour litre Eugène, par M. Emile Barraull, et pour moralité
la tyrannie des hommes et l'émancipation de la femme. Je
ne ferai point ici une plus ample analyse du livre de M.
Barrault, que connaissent sans doule beaucoup de mes lec-
teurs sans parler des lectrices. Je veux seulement vous ra-
conter une anecdote curieuse et véritable de la vie de l'au-
teur, ainsi que je m'amusai à l'écrire sur mon album en
attendant notre cicérone.
   Un jour de l'aimée 1832, par un ciel gris de décembre,
quinze hommes drôlaliquement vêtus, bariolés d'étoffes rou
ges et bleues, portant sur la tête le berret, et la barbe longue
au menton, s'acheminaient en chantant des hymnes vers v.ne
des portes gothiques de l'ancienne capitale des comtes de
Champagne, Troycs, la ville aux vieilles basiliques, aux mys-
 térieuses ogives, aux toits noirs et pointus, la demeure chérie
 du comte Thibaut, le poète-roi et le roi des poètes de son
 temps.
   Ces hommes étaient des apôtres sainl-simoniens. Les
hymnes qu'ils chantaient étaient en l'honneur de la femme
libre. Ils avaient encore un autre chant, de tous les chants le
plus suave, le plus mélancolique, le plus mélodieux ; celui-
là était composé pour célébrer la Danse des Etoiles. David,
charmant et bon jeune homme tout plein d'excentricités
poétiques, artistiques et mystiques, David Félicien, dont le
nom alors ignoré, est aujourd'hui européen, David était l'au-
teur de la musique et des paroles.
  A la tête de ces hommes, il y en avait un au front haut
et découvert. Ses cheveux retombaient sur ses épaules, on-
doyants et roux; son air élail grave et pensif. Dans ses gestes,