page suivante »
402 KXCDRSION DANS LE MIDI. elles ont eu pour ayeux des gens qui ont fait très bon marché du droit de propriété. Voyez le sire Bouchard, dont les descendants épurés furent des Montmorency. Le noble Bouchard, malgré son lilre de premier baron chrétien, était bien le plus intrépide détrous- seur de grandes routes que oncques ait été vu , ne croyant ni à Dieu ni au diable, faisant guerre sans merci à tous les reli- gieux de Saint-Denis. C'estau point, dit la chronique, qu'il avait des chambres pleines de soutanes d'abbés dévalisés par lui. Le mécréant appelait ces chambres son concile. Bouchard le barbu,— car Barbu était un de ses glorieux surnoms,— Bou- chard avait en outre des greniers encombrés de selles de che- vaux, le long desquelles il aimait à se promener comme dans un jardin de cuir el dans le panthéon de sa gloire. Il avait en core des salles comblées de cornes de bœufs élevées en tro- phées, en pyramides;—les cornes des bœufs qu'il avait volés.— Mais sa plus riche, sa plus étincelanle,sa plus ambitieuse pièce, sa salle du trône, an dire de M. Léon Goilan (1), était celle dite des fers à cheval. Aux quatre murs de celte salle étaient cloués du haut en bas, de long en large , des milliers de fers à cheval, rangés avec symétrie, autre souvenir de ses guet-à -pens noctur- nes. Tel était le musée de Bouchard à la Barbe Torte, — c'était encore un de ses beaux surnoms. — Telles étaient les gale- ries mémoralives des victoires et conquêtes du premier baron chrétien. Quand l'ayeul des Montmorency a pu exercer sans peur et sans reproche un semblable m é t i e r , les Marseillais, nos ancêtres, ont bien pu, je crois, se faire pirates. Y aurait-il plus de déshonneur à se faire écumeur de mers que voleur de grands-chemins ? L'argumentation était serrée. Il n'y avait rien à répliquer à cette balance de compte historique, réglé entre le com- merce de Marseille et la noblesse des Montmorency ; tout ce qu'on pouvait faire c'était d'en rire. C'est aussi ce que nous fîmes el de très bon cœur. (1) Les Tourelles, histoire des vieux chaleaux Je France.