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252 EXCUBSION DANS 1Ë MIDI.
1C60, jour de l'entrée de Louis XIV à Marseille, non pas en
suzerain protecteur, mais en conquérant irrité.
Les Marseillais, à propos de l'élection de leurs consuls,
avaient pris la liberté grande de battre les troupes de Sa Ma-
jesté sur toutes les coulures, Or^ vous savez que le grand roi
se sentait peu dégoût pour ces sortes de velléités libérales et
guerrières. A celte époque, il était d'ailleurs à l'apogée de sa
puissance. Le monarque trouva l'occasion belle pour muleter
les Marseillais et certaines opinions mal sonnantes à la cour
deVersailles.il partit à la tête d'une armée aussi formidable
que s'il se fût agi déjà de passer le Rhin et de fournir à la muse
héroïque deBoileau le sujet de celle ode pompeuse :
Grand roi, cesse de vaincre ouje cesse d'écrire !
Arrivé devant Marseille sans coup férir, Louis XIV trouva
les portes de sa bonne ville ouvertes et les Marseillais mécon-
tents, mais soumis; ce que voyant Mazarin, en courtisan ma-
tois, il fit pratiquer une brèche au rempart, près de la porte
royale, afin de ménager à son maître une entrée solennelle
dans le genre de celle d'Alexandre-le-Grand à Babylone.
Louis XIV, qui cependant possédait à un degré exquis le
sentiment de la dignité royale l'oublia celle fois au point de
passer bravement p a r l e trou fait au mur comme sous un arc
de triomphe de bon aloi. Un capitaine des Suisses (1) ne vou-
lut pas le suivre : « Les Suisses, dit-il, n'entrent que par les
brèches faites à coups de canon. »
Nobles paroles et rude leçon donnée tout à la fois au sou-
rain et au ministre.
Louis XIV avait commencé cette campagne par une comé-
die ridicule ; il la finit par une épigramme qui sentait son
maître absolu. Il annonça qu'il desirait, avant de quitter la
ville, avoir aussi sa bastide au milieu de ses amés et féaux
(1) Ce capitaine s'appelait Waitrich. Le nom de ce noble soldat mérite bien
de passer à la postérité.