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240 EXCURSION DANS LE MIDI.
bois sacré des Druides (1), au sujet duquel Lucain a raconté
tant d'affreux mystères reproduits par le Tasse, dans sa forêt
enchantée. Ainsi, aux lieux mêmes où vous voyez aujour-
d'hui les élégants magasins du confiseur Caslelmuro, et les
boutiques en renom des marchandes de modes, cet arsenal
de gazes, de dentelles de rubans, où la coquetterie fémi-
nine vient chercher des armes, il y eut autrefois une sombre
forêt vouée aux plus horribles sacrifices, et arrosée de sang
humain ! Qui nous dira maintenaut ce que seront dans deux
mille ans les rues Paradis et Sylvabelle ?
Ah ! demain, c'est la grande chose,
De quoi demain sera-t-il fait?
La colline Bonaparle, que contourne un joli chemin sablé,
rappellerait assez bien le labyrinthe du Jardin des-Plantes,
à Paris, si l'on y trouvait ses beaux arbres, en pleine sève, et
leurs ombrages frais. Mais par malheur les plantations ne
datent que de 1815. A cette époque, il en existait d'autres
avancées déjà , mais qui furent arrachées en haine du nom
que portait la promenade. Le fanatisme réactionnaire qui
alors s'étendait comme une lèpre politique, sur une partie
des provinces du midi, fit bravement le siège en règle d'une
pierre posée là pour recevoir le buste de Napoléon.L'image
impériale fut brisée, broyée, et comme si ce n'était pas assez
de fureurs niaises, les arbustes de la promenade furent
en même temps déracinés et mutilés, en punition de leur
odieux voisinage avec l'Ogre de Corse. Ainsi les ouvriers,
les artisans marseillais, tous les gens du peuple qui, à dé-
faut de bastides, trouveraient maintenant sur cette prome-
nade, pour eux et leurs familles, un bienfaisant abri contre
les feux du ciel provençal, rôtiront au soleil encore quinze Ã
(1) On sait que le culte druidique est venu de l'Asie dans les Gaules,
à bord d'une trirème phénicienne. Le christianisme a sanctifié la forêt gal-
lique en y répandant l'enchantement d'une de ses plus touchantes légendes.