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BËCHEVELIN M \ « J'avais à peine quitté le pont de la Guillotière, que je « tournai à droite sans y songer, et je me trouvai tout d'a- « bord dans un chemin qui borde le fleuve et qui passe au « milieu d'e'paisses saulées. Je n'étai3 point encore à cin- « quante pas du pont que j'aperçus une petite baraque au « coin de laquelle était adossée une espèce de niche, ou « plutôt d'armoire à deux battants, dont l'un était ouvert « et l'autre fermé. Sur ce dernier, on lisait en grosses lettres : « Tronc pour les pauvres. « Je m'approchai et je crus voir à travers celui qui était « ouvert une sorte d'autel, entouré de petits bras et de « petites jambes de cire, sur lequel reposait une figure « très-ornée et très-décorée. J'avançai encore, et derrière « le battant fermé je trouvai une vieille femme qui récitait « des prières. Je l'interrogeai sur le nom de cette cha- « pelle : — C'est, me dit-elle, Notre-Dame de Béchevelin, « à laquelle tous les mariniers du Rhône ont la plus grande « foi, à cause des miracles qu'elle fait en leur faveur. Vous « voyez bien ce petit tableau, monsieur, ajouta-t-elle, c'est « celui d'un enfant qui était mort et n'avait plus de souffle, « lorsque son père, qui est un gros batelier des environs, « l'a apporté. J'ai dit une neuvaine pour lui, et la bonne « Vierge l'a ressuscité, r Vous dites donc des reuvaines, — « ma bonne femme ? — Il y a trente ans, monsieur, que « je ne »is pas d'autre chose, et à un sou chaque. — Voila « vingt sous, repris-je ; dites en vingt a mon intention, et « priez Dieu qu'il me rende plus heureux que par le passé. « — Oh ! ben oui, monsieur ; je prierai pour vous notre « bonne Vierge, et vous verrez que la première fois que « vous passerez ici, vous ne serez pas si triste ni si rêveur « qu'aujourd'hui. Elle voyait bien, cette respectable vieille. « Je ne pouvais, en lui parlant, me rendre a moi-même rai- « son de l'état d'accablement et de douleur où je me trou-