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                         VICTOU DE LAPRADE                   45

   « Tantôt, c'est uue effusion de joie vers la nature, un
hymne de reconnaissance à Dieu pour la beauté de la créa-
tion ; tantôt c'est un cri d'angoisse, une larme qui s'échappe,
une humble confession, un remords ; c'est un cantique à
l'amitié, une épilaphe sur une chère tombe a peine fermée;
c'est une consolation h la faiblesse, un encouragement après la
chute; c'est un fier et stoïque conseil de travail et de pau-
vreté; c'est une apostrophe aux bassesses du temps, une
aspiration fervente aux splendeurs de la patrie éternelle. »
   C'est ce cri en trois cents pages : Amour ! Amour ! C'est
en un mot toute l'âme du poète, mais une âme inconnue,
une âme inattendue, si je puis m'exprimer ainsi, et dont
l'épanchement, venu à la fin, venu a son jour, nous étonne
presque autant qu'il nous charma. Est-ce bien la le poète des
granits couverts de neige, des glaciers et des chênes ? Est-
ce bien là ce solitaire qui, fuyant la société des hommes, ne
met jamais une assez longue ni assez haute distance entre
eux et lui? Oui, c'est encore lui-même. Mais, s'il s'en-
fonce de nouveau dans le désert, c'est pour entendre la voix
 de Celui qui apporte au monde un mot plus divin que le mot
 de crainte et le mot de justice, et pour le répéter; c'est afin
 d'attirer la foule sur ses pas, de lui apprendre le don de
 pleurer et d'engendrer au Christ, roi des cœurs, des en-
 fants qui sachent aimer. Y a-t-il donc si loin de la forêt au
 Calvaire, de la nature à Dieu, de l'enthousiasme a l'amour,
 delà contemplation aux larmes? Car les Poèmes Evangéli-
 ques sont faits de larmes et d'amour, et ce sont l'amour et la
 souffrance qui les ont dictés.
                « Si j'ai longtemps rêvé ce livre,    •
                0 Christ, c'est que je vous aimais ! »
   Ailleurs :
         « Foulez mon cœur saignant à vos pressoirs offert
             Comme un fruit de la vigne.