Revue du Lyonnais » série 2 - n°31 ( 1865 ) » pp.484

484                   MUSIQUE DRAMATIQUE.

    Plus riche de fantaisie et d'imagination que de pensée pro-
 fonde, génie de liberté et non de synthèse, il entrevit peut-
 être, mais il n'embrassa pas l'avenir; il fonda une secte, mais
 non une foi. Où est l'élément nouveau dans Rossini? Où
 trouvez-vous dans ses Å“uvres une conception unique, domi-
 natrice de toute sa vie artistique? L'édifice qu'il a élevé,
 comme celui de Nemrod, touche au ciel, mais comme ce-
lui de Nemrod, il recèle dans son sein la confusion des
 langages. L'individualité est assise sur le sommet, libre, effré-
née, bizarre, représentée par une mélodie brillante et déter-
 minée comme la sensation qui l'a inspirée. Tout dans Rossini
 est apparent, défini, saillant : l'indéfini, le nuageux fuient
devant un style incisif, devant une expression musicale posi-
 tive, sensuelle, matérialiste. On dirait véritablement que les
mélodies rossiniennes sont sculptées en bas-relief. C'est une
musique sans ombre, sans crépuscules et sans mystères; elle
exprime des passions fortes et énergiques, la haine, l'amour,
la douleur, la joie, la vengeance, le désespoir. Mais l'aura
du monde invisible n'y souffle pas ; souvent l'instrumentation
l'indique et semble vouloir s'élancer dans les voies de l'infini,
mais presque toujours elle recule aussitôt et s'individualise.
Celte idée est également partagée par M. Scudo, dans le
passage suivant de sa Critique et littérature musicale : « Hom-
me de son temps et de son pays, dit-il, pressé de vivre et de
jouir des progrès accomplis, Rossini flatle la foule, il marie
l'instrumentation allemande à la mélodie italienne, dont il
développe les proportions et retrempe la vigueur. II excelle à
peindre le choc des passions, les transports de l'amour, l'irra-
diation de la gaîlé et de la jeunesse, les agitations infinies de
la vie, mais d'une vie qui ne doit pas avoir de lendemain.
Jamais le rayon de l'invisible ne descend sur cette musique
plejne de sang et de lumière, qui respire la volupté. v>
  Rossini el l'école italienne, dont il est le chef, représentent