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CHRONIQUE LOCALE.
Allons, chasseur, vite en campagne ; du cor n'entends-tu pas le son,
con ton, ton ton, ton taine, ton ton ?
â Bien, Jean, dĂ©coupiez ; entrez au bois et appuyez les chiens.
Le premier, un grand limier du Poitou, chien de tĂȘte, bien coiffĂ©,
un peu frais de gueule, a nom Guignol. Il attaque indifféremment le
sanglier, la biche et le renard ; la bĂȘte puante ne lui rĂ©pugnait pas ;
l'expérience et le fouet l'ont corrigé; ii suit aujourd'hui plus vo-
lontiers les bĂȘtes noires et les fauves; au besoin, il lance la bĂȘte rousse
et ne refuse point de montrer ses crocs Ă un louvat. C'est un animal
de race, quia du fond et qui, bien dirigé, pourra faire un excellent
service. Au bois, les amis !
Ce molosse, au poil hérissé, est un chien de garde qui a rompu sa
chaßne et qui suit la meute en vue de la curée. Il se jette sur les
passants avec la mĂȘme fĂ©rocitĂ© que sur les sangliers. L'autre jour, il a
reçu d'un porte-balle une correction qui a dû endommager sa mù-
choire. On le laisse, sans inquiétude, coiffer le plus formidable soli-
'taire, dans la pensée que, s'il est décousu, la perte ne sera pas grande.
Tayaut, le v'ia !
Ce corneau fouaillé. qui s'en va là bas tristement, la queue entre les
jambes, c'est CocodĂšs, tĂȘte Ă©ventĂ©e, chien sans cervelle, qui avait
jeté le désordre dans un troupeau et qu'on renvoie au chenil, aprÚs
correction. Son camarade de couple, Tintamarre, ne vaut guĂšre plus;
on fera bien de s'en défaire et la meute n'ira pas plus mal aprÚs cela.
Cette lice au manteau changeant, c'est la Tour-Pitmt qu'on ne
tenait pas en grande estime et qui pourrait bien valoir mieux que sa
réputation. Sa premiÚre menée n'a pas été fameuse, la seconde a été
meilleure ; la troisiÚme n'a rien laissé à désirer. Aurions-nous mis, par
hasard, la main sur une bĂȘte de prix ?
Toqué, fin courant de la Franche-Comté, s'annonçait sous les
meilleurs auspices. Brillant Ă son premier lancer, il a pris le contre-
pied Ă sa seconde chasse et a failli tout compromettre. Erreur de jeu-
nesse , pas autre chose. Aujourd'hui, voyez-le aller. 11 a relevé un
défaut et il file rondement, sans prendre le change. Il a la voix belle,
est bien collé à terre ; allez, mes bellots.
Lourd à son départ, peu flatteur au premier aspect, Coqiiard a hé-
sitĂ©, bredouillĂ©, et les chasseurs l'ont dĂ©clarĂ© bĂȘte commune et sans
valeur. On parlait de l'envoyer rejoindre CocodĂšs et Tintamarre et
c'eût été fùcheux. Habitué à la montagne, il n'entendait rien à la
chasse en plaine et Ă la menĂ©e dans les forĂȘts, voilĂ tout. Sa pesanteur
ne s'accommodait pas delà rapidité d'allure de ses compagnons. Il s'y
met, il s'y fait; l'émulation le gagne et sa voix sonore plait dans le
concert qui remplit nos vallons. Ta}raut, par ici;-gare Ă la robe des
biches aventurĂ©es sur le chemin des nobles bĂȘtes que nous appuyons
de la voix et du cor ; gare au marcassin qui se vautre dans sa bauge,
gare au loup vorace qui jetait la terreur, voici la meute dévorante
qui va en purger le pays.
Allez, mes amis, mais respect aux troupeaux, paix aux bergers, et
songez au fouet du piqueur. A. V.
AIMĂ VINGTRINIER, dircctcur-gcrant.