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254                   DE LYON A GRENOBLE.

perdre ; la nature y a mis bon ordre ; il faut bon gré malgré sui-
vre le fil, e'cst-à-dire le chemin bordé par le Sonnant, ruisseau
terrible mais à sce. Seulement, comme nous montons toujours,
nous faisons au pas les six kilomètres qui nous séparent de l'éta-
blissement; malgré le luxe d'un cheval de renfort que frappe un
enfant grimpé sur sa maigre échine, nous allons un peu moins
vite qu'un piéton. Noire véhicule n'a qu'un prétexte pour con-
server sa modeste allure, c'est d'être chargé à en rompre ses es-
sieux. Les cigares fument, les cris s'élèvent, les plaisanteries se
croisent, on interpelle le cocher ; celui-ci cingle ses chevaux et
nous continuons à courir du même train de roi mérovingien.
   Du reste, c'est bien la solitude. Les bois de chênes et de hê-
tres n'ont p?s une antiquité reculée -, il-y a loin de là aux sombres
horreurs des forêts de sapins de la Suisse ou de la Corse ; c'est
un tableau de genre, voilà tout. Peu de maisons, peu de fer-
mes, pas do troupeaux. Enfin on aperçoit là bas, dans le lointain,
des cîmes élevées ; une croix colossale brille au soleil sur des
pics ; nous passons deux ou trois auberges, et voici sur son pié-
destal l'antique et célèbre résidence des Alleman.
   Le vieux manoir d'Uriage si souvent cité non seulement dans
l'histoire du Dauphiné mais encore dans celle de la Savoie et de
la Bourgogne, car les Alleman formaient une famille avec qui les
princes environnants avaient l'habitude de compter, est non seu-
lement aussi complet qu'au moyen âge, mais il renferme en-
core un Musée qui n'est pas sans valeur ; c'est dire que sa desti-
nation est changée -, ce n'est plus un lieu de défense, mais de re-
fuge ; des tours dominent toujours le passage, elles ne le gardent
plus ; tout symbole de guerre a disparu ; les fossés sont comblés,
le pont-levis est abattu; on ne repousse plus les étrangers, on les
attire, et plus on voit d'envahisseurs au fond de la vallée, plus on
se réjouit dans le château.
  Le vaite établissement des bains, création moderne de M. de
Saint-Ferriol, le maître du manoir, surprend par ses dimensions,
son élégance, mais surtout par la population opulente, les équi-
pages, les domestiques et les marchands qui l'habitent et l'en-
tourent. Son jardin est aussi fréquenté que celui des Tuileries ou