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            AUTOBIOGRAPHIE DE M. FLEURY RICHARD.                    245    ,
sait, en plaisantant sans doute, qu'on m'avait changé en nourrice.
   Mais venons à mes souvenirs ; les plus anciens sont de l'âge
de sept à huit ans. J'étais à la campagne chez mon aïeul mater-
nel, où une jeune personne, dont le nom est resté dans ma mé-
moire, Mlle Allard, qui dessinait très-bien, me prit en affection,
et, pour m'amuser, elle m'apprit à faire des découpures de cartes
et à les enluminer de brillantes couleurs. Je la regardais dessiner
avec un plaisir qui tenait parfois de l'extase. Je copiais ses des-
sins en découpures ; et plus tard quand je fus au collège, je tron-
quai mes découpures à mes camarades contre des crayons ou
des friandises. Hélas ! si ma vocation pour la peinture fut déter-
minée par le bienveillant regard d'une jeune fille, qui m'eût dit
alors qu'un jour je serais peintre d'une impératrice et d'un roi
de France !
   Poursuivons ma destinée : à neuf ans, on m'envoya chez un
maître d'étude qui m'accompagnait au Collège de l'Oratoire, où
je m'occupais bien moins du latin que de barbouiller mes cahiers
de figures et de paysages. Je passai deux ou trois années ainsi,
lorsque s'apercevant que je faisais peu de progrès dans mes étu-
des, un de mes oncles qui, par affection pour ma mère, s'inté-
ressait à moi, M. Lacour, qui avait été échevin et un des fonda-
teurs de l'École spéciale de dessin, qui existait alors à Lyon, en-
gagea mon père à m'envoyer dans cette école, dont le professeur,
M. Grognard, était cousin de ma mère. Ce bon parent prit bien-
tôt intérêt à mes progrès ; car ma famille allant passer la belle
saison à la campagne, il avait la bonté, malgré la distance, d'y
venir tous les dimanches pour continuer de me donner ses le-
çons.
    Un jour, et je me le suis souvent rappelé, il nous raconta avec
enthousiasme que le célèbre peintre David, dont il avait été le
 condisciple à l'École de Vien, venait d'obtenir un brillant succès
à Rome, pour son tableau du Serment des Horaces. Je pris un
vif intérêt aux éloges qu'il nous fit du talent de David, et comme
il dit, en faisant son portrait, qu'il avait une loupe qui le défigurait
beaucoup, je ne compris pas tout d'abord ce qu'était cette loupe,
je crus qu'il était bossu, et pensant que cette difformité ne l'avait