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408                   LA R E V U E LYONNAISE
   Des Français, comblés de ses faveurs, nous ont donné le triste
spectacle de s'associer à ce sentiment.
   J'eus la douleur de voir, deux mois plus tard, un peintre de l'École
lyonnaise, avec lequel j'étais lié, faire volte-face et le qualifier
d'ogre corse dans un libelle injurieux. On peut voiler l'idole que
l'on a encensée, mais la traîner dans la boue, n'est-ce pas s'y traî-
ner avec elle ?
    Nous voici de rechef dans notre berline, galoppant dès le matin
du côté de Lyon. Notre guide, M. de Bavière, se comportait jovia-
lement, il prenait sur lui de nous dire les choses les plus flatteuses.
Le second jour, au milieu de la nuit, nous rentrions au cri de wer
da! ou des « qui fife » ! des sentinelles allemandes dans notre ville
endormie. Lyon ne savait rien encore. On lui cachait tout. Les
nouvelles que nous apportions furent d'abord accueillies avec
incrédulité. Les Bourbons! quels Bourbons? disait-on. Quelle
 folie! Tant de gens les avaient oubliés. Vers le soir, grande fer-
 mentation des esprits, et notre rapport au conseil municipal sous
 la présidence du maire. Le conseil était au grand complet, car cha-
 cun s'attendait à quelque délibération extraordinaire. A vrai dire,
 notre rapport entendu, ce fut moins de nous remercier et de se
 féliciter des excellentes paroles dont nous étions porteurs, que de
 la nouvelle aurore politique, que l'on songea à s'occuper. Toutes
 les têtes fermentaient, chacun scrutait ses titres aux naissantes
 faveurs, et quelle serait la meilleure route à suivre pour se les atti-
 rer. Quelques avis arrivés de Paris dans la journée avaient mûri
 la croyance au retour des Bourbons.
    Je tins la cause de Napoléon pour perdue, quand je vis M. X...,
 homme fin, inclinant à tous les vents, se tourner à la Talma vers
 le beau portrait de l'Empereur, et s'écrier :
    « Si vous me demandez, messieurs, mon opinion sur l'état de
 choses, je vous dirai qu'il y a longtemps que cet homme me pèse.
 Sa figure ne devrait plus assister à nos séances. Remplaçons-la
 par celle de notre bon, de notre loyal HenriIV. Gela vaudra mieux
 pour le repos de la France. Il faut avoir le courage de le dire, et
 je l'ai. »
    Admirez ce courage, lorsqu'il était bien informé de la catas-
 trophe !